Présentation du séminaire du Jeudi 18 Mai 2006


Les mots-clés de l’analyse par J. Lagerwey du Lǎojūn zhōngjīng 太上老君中經


        Les Noms des Dieux du corps.

        Ingestion, absorption, avalement, salive, boire et manger.  Objets : la Graphie ou le souffle QI

        Organes du corps.

        Nombril.

        Nœuds.

        Nouveau-né, Père, mère. Nourrir.

        Visualisation.

        Mon nom, mon corps, moi, je.

        L’adepte, révélation.


    L’adepte en tant que singularité s’engage par le rite d’absorption (incorporation freudienne) des graphies des noms des dieux du corps (les traces de Derrida ou le pictogramme de P. Aulagnier), graphies dépourvues de sens, en appelant à la parole (a voix haute), à la lecture donc.

Le « Zhao » désigne donc à la fois l’adepte singulier, la révélation de son engagement dans le collectif et dans une temporalité dite longévité et immortalité, « Zhao » désigne le moi-corps, le moi, le JE. Les traductions en français ne rendent compte que d’une seule chose, la possibilité en Chine traditionnelle de considérer la question de l’engagement d’une singularité dans le collectif.


    L’intérêt pour moi des analyses de J. Lagerwey, mais aussi celle d’I. Robinet de ces textes taoïstes anciens (je n’ai malheureusement pas accès aux textes chinois) vient d’en espérer un éclaircissement des cures de « ceux qui entendent des voix que les autres n’entendent pas ».


    En univers chinois, je n’ai pas encore rencontré la question des voix mais celle de la visualisation des graphies, pas plus d’ailleurs que la question du miroir d’où surgit la voix hallucinée pour réintégrer l’univers spatial tridimensionnel de la singularité s’inscrivant alors dans sa temporalité.

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    Je dois à Huang Zuo (professeur à Guangzhou) celle formule qui dit le nouage trinitaire sinon boroméen des familles taoïste, confucéenne et bouddhiste. Les trois en une.


儒释道一家一体

Rú shì-dào yījiā yītǐ



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Je donne ici des citations tirées de l’article de J. Lagerwey : « Deux écrits taoïstes anciens » in Cahiers d’Extrême Asie N° 14, 2004. Ce sont celles sur lesquelles je me suis appuyé lors du séminaire de Mai. Je pense y voir l’émergence de la question de la singularité qui serait de pure graphie. Le terme Zhao se traduit par : l’adepte (un), la révélation, le corps du je, le je, le moi, le pronom possessif. Cette polysémie est à mettre en relation avec l’article bien connu de Benveniste : L’antonyme et le pronom en français moderne, Bulletin de la société de linguistique de Paris, C. Klincksieck, t. LX 1965°, fasc. 1, pp. 71-87, dans lequel contre Pichon et Damourette, il soutient que la série « je » ne peut, en aucun cas, permuter avec la série moi, me, mon. En chinois moderne un seul mot WO () supporte chacune de ces positions. Par contre, en chinois classique, il existe plusieurs mots plus ou moins interchangeables avec wo, en particulier wu (), célèbre par la phrase de Zhuangzi : « jinzhe wu sang wo » (今者吾丧我), wo est en position de complément d’objet (moi), qu’à cet instant, le wu (je) perds.


Grand Un supérieur père 上上太一, du Dao. Avant ciel et terre il était, au-dessus des Neuf cieux, dans le ciel de la Grande pureté, au-delà des Huit ténèbres, à l'intérieur de l'infime. Je ne connais pas son nom : c'est le souffle primordial. Son esprit a une tête d'homme et un corps d'oiseau. Il ressemble à un coq, avec les cinq couleurs du phénix et des vêtements perlés noirs-jaunes. Il se trouve juste au-dessus de votre

tête (32), à neuf pieds de votre corps. Souvent, il se trouve dans les nuages pourpres sous le Dais où il habite. Lorsque vous le voyez, dites-lui : « Grand Un supérieur et Seigneur du Dao, votre arrière-petit-fils Untel, de volonté pure, amateur du Dao, souhaite obtenir longue vie ». (1.la)


En conclusion, il paraît clair que l'on ne peut affirmer que la Mère ne change pas, même si elle est peut-être plus facile à suivre à la trace que son parèdre, le Père. Passons donc à leur raison d'être tous deux : l'Enfant. Pour ce faire, bon nombre des passages où il apparaît ayant déjà été traduits, nous ne ferons ici qu'aligner des versions traduites ou paraphrasées des passages le concernant :


1.3b8-4al : La Fille de jade de la lumière sombre du Grand Yin nourrit l'Homme véritable, Enfant-cinabre, qui « petit à petit grandit jusqu'à ce qu'il devienne aussi grand que mon corps. Vous pouvez le fixer dans votre esprit et parler avec lui, puis il vous appellera à monter rendre visite au Seigneur du Dao, c'est-à-dire à l'Un ».


1.7b9-8a5 : Mon corps, c'est le Yang primordial, appelé Enfant-cinabre. L'Homme véritable appelé Zhonghuang est le maître du vrai moi, qui ne cesse de m'enseigner la voie des immortels et de la longue vie. À ma gauche et à ma droite, il me soutient, et se repose dans le Grand grenier. Dans la rate, avec Huangshangzi, il me protège et fournit aux esprits ce dont ils ont besoin. Il a la charge de faire venir la cuisine mobile. C'est pourquoi il convient régulièrement de penser à l'Homme véritable, Enfant-cinabre, assis face au sud dans le duodénum du Grand grenier, où il mange les essences jaunes et les souffles rouges et boit la source de liqueur. Le Yang primordial, Enfant-cinabre, a neuf mesures de long : visualisez-le et faites-le devenir aussi grand que votre corps. Ses parents le nourrissent et il devient immortel.

    .

1.12a7-10 : Huangshangzi est toujours aux côtés de l'Homme véritable, dont le nom est Enfant-cinabre. Il donne aux esprits ce dont ils ont besoin. Si vous voulez fixer votre volonté sur le Dao, méditez sur lui souvent et vous n'aurez ni faim ni soif, mais la longue vie et la vue à distance. Vous serez un Homme véritable là-haut, capable de faire venir la cuisine mobile et de commander aux dieux et aux démons, aux esprits du sol et des céréales ainsi qu'au Comte du fleuve.


l.13bl : Visualisez le Grand Un et la Mère du Dao de la lumière sombre en train de nourrir l'Homme véritable, Enfant-cinabre, qui n'est autre que mon corps (53)


1.18a5 : L'Homme véritable, Enfant-cinabre, se trouve couché sur un lit de perles dans le duodénum.


2.2b5 : La Fille de jade de la lumière sombre nourrit son fils, le Nouveau-né, Homme véritable, Enfant-cinabre.


2.7a6-7bl : Dans le Palais du hall des lumières se trouvent, au milieu, la Fille de jade de la lumière sombre, Huangshangzi à gauche et, à droite, l'Homme véritable Zhonghuang : ensemble ils protègent l'Homme véritable, Enfant-cinabre ». Après avoir demandé que son nom soit effacé de la liste des morts et porté sur les registres de vie, L'adepte médite à nouveau sur l'Homme véritable, Enfant-cinabre, et demande à la Fille de jade de la lumière sombre de le nourrir.


2.Ba5 : L'Homme véritable, Enfant-cinabre, se trouve couché sur un lit de perles dans le duodénum.


C'est donc l'Enfant qui ne change guère et la question centrale que suscite le Zhongjing concerne plutôt la nature du rapport entre cet Enfant et « moi » ou « mon corps ».

Pour y répondre, regardons les passages qui comportent ces deux vocables :


1.3blO : L'Enfant grandit lentement, jusqu'à ce qu'il ait la même taille que « le corps du je ».


1.4a8-10 : Laojun, c'est l'âme hun du Ciel, c'est le seigneur du spontané. Il se tient à gauche du Seigneur du Dao pour le servir. C'est pourquoi, les neuf personnes du « je », c'est le Seigneur aux neuf têtes. « Je », c'est la tête supérieure, qui fait le vrai père. Les autres ne font rien.


1.6b8-10 : Le Vieillard jaune du pôle central, c'est le Yamen des hommes parfaits, le Seigneur du boisseau central. Il est le roi marquis du ciel et contrôle le palais des filles sans fard de l'Impératrice. L'homme le possède également : c'est L'Homme parfait de la Cour jaune, le Père et la Mère du Dao, qui donne naissance au Nouveau-né. C'est le « corps du je » (54).


1.7b5-6 : « Je » : c'est le Dao. qui l'enfante. Il n'y a pas que « je » qui l'ait : l'homme le possède aussi. Il se trouve au milieu du duodénum du Grand Grenier, assis face au sud sur un lit de perles.


1.13bl-2 : La Mère du Dao. nourrit l'Enfant-cinabre « qui n'est autre que le corps du je, le nom de l'être révélé » (57) : ne l'oubliez point !


1.18a9-10 : L'Enfant-cinabre du Yang Primordial, c'est le « je ».


2.7b7-8, 8alO-8b2 : L'estomac, c'est le Grand Grenier, Yamen du prince héritier, domicile du « je ». L'Un, c'est le Dao. Il se trouve dans le Palais de la chambre pourpre : c'est la vésicule biliaire. L'Enfant-cinabre, c'est le « je ». « Je » n'est autre que son propre corps. Tout le Dao est là.


2.9b4-10 : « Le Dao, c'est le je », le Seigneur du pôle central supérieur. Méditez sur l'étoile très jaune du centre du Grand Faîte : ses essences-souffles descendent sur votre front, entre les sourcils. Ils sont rouges-jaunes-blancs, de forme comme le soleil ». L'adepte les fait rentrer dans sa bouche, les avale, puis les fait circuler à travers le Palais écarlate, la Chambre pourpre et la Cour jaune avant d'invoquer le Seigneur du Dao du Très Haut, empereur suprême de l'auguste ciel : « Votre arrière-petit-enfant Untel aime le Dao et souhaite obtenir longue vie. Ceci est le souffle du « je » ; « je » est né de ce souffle.


2.12b5-6 : L'Enfant-cinabre du Yang primordial, c'est le corps du « je ».


Qu'il y ait, souvent, identité entre l'Enfant-cinabre et « le corps du je » et même avec le « je » « enfanté par le Dao » c'est clair. Mais le « je » est également identique au Roi père et au Seigneur du pôle central supérieur, tandis que « le corps du je » est en même temps L’Homme véritable de la Cour Jaune. J'en conclus que « je » est, comme les craquelures Zhao (), multiple, mais aussi que l'Enfant-cinabre est le futur Homme véritable, lorsqu'il aura grandi jusqu'à ce qu'il ait la taille du corps de « je », c’est-à-dire jusqu'à ce que son corps physique, de mort, soit devenu un corps spirituel de vie.

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Présentation du séminaire du Jeudi 15 juin 2006                               




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Séminaire de Michel Guibal

2005 - 2006

(32) Le terme utilisé ici est zhao (), qui a normalement le sens de «craquelures divinatoires», d'où aussi le sens de «multitude». Or, dans le Zhongjing, et c'est là l'une des particularités de son vocabulaire, ce terme désigne clairement l’adepte, qu'il soit adressé ou qu'il parle. Utilisé quatre fois dans ce seul paragraphe, je l’ai à chaque fois traduit par «je», même lorsque, comme ci-après, c'est l'adepte qui parle de lui-même à la «troisième personne». Il y a cependant des endroits où l'on ne peut pas faire autrement que de traduire par «je». Je ne sais si Schipper "The Inner Worlq", a raison de voir dans l'usage peu commun de ce terme une expression du vernaculaire, mais il est en tout état de cause trop simple de le traiter de « personal pronoun of the second person ».

Cf. ci-dessous, note 57.












(53) Dans ce qui suit, je vais plutôt traduire par «je» et «le corps du je», afin de souligner que le mot wu () est utilisé dans tout le Zhongjing pour se référer à ce que l'adepte va devenir lorsque sa pratique aura débouché sur l'immortalité. Il convient de noter que le même pronom est utilisé par le Maître lorsque le texte lui attribue des paroles à partir du paragraphe 43.     .

















(54) On se rappellera que c'est le Seigneur du Dao, à la fois «fils et pas fils» du Grand Un supérieur, qui a «un corps avec neuf têtes ou bien se transforme en neuf personnes» (1.1b). Le fait que sa tête principale soit ici attribuée au Roi père semble impliquer un lien de quasi identité entre l'ensemble des trois premières divinités masculines.


(57) Le mot traduit par «révélé», c'est Zhao craquelures(). Si je le traduis ainsi, c est pour souligner ce qui pourrait constituer la raison de son utilisation comme pronom pour l'adepte : les craquelures sur les carapaces de tortue sont en réalité la réponse écrite des dieux aux charges du devin et, à ce titre constitue des «révélations». L'adepte aussi est une «révélation» constituée de souffles divins.

Cf. ci-dessus, note 32.


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