Utiliser l’expérience psychanalytique pour comprendre Mencius signifie que nous devons essayer de faire simplement une analyse de Mencius [380-289 av. J.-C.]. Parmi les personnages importants ayant influencé Mencius, la mère de Mencius est la plus importante. C’est aussi la seule que, pour diverses raisons, nous puissions analyser. La mère la plus importante de l’histoire chinoise n’a pas de nom, elle était du clan Zhang.


1. Le démêlage du matériau


1.1    L’histoire lacunaire de Mencius

Après la mort de Confucius [551-479 av. J.-C.], les confucianistes se divisèrent en huit groupes, parmi lesquels « les confucianistes du clan de Mencius » autour de Mencius. Son influence n’était pas chez les confucianistes partout uniforme, Xun Zi [penseur chinois confucianiste, IIIe s. av. J.-C.] pratiquait envers lui une critique voilée. C’est seulement durant la dynastie des Tang [618-907] par l’appui de Han Yu que pour la première fois Mencius est considéré comme faisant partie de l’orthodoxie confucéenne et devient ainsi l’objet d’études. C’est aussi au cours de l’ère Xining [1068-1077 AC] sous le règne de Song Shenzong de la dynastie des Song du Nord [960-1127] que Mencius devient pour la première fois partie intégrante du curriculum des examens impériaux. C’est seulement lors de la dynastie des Song du Sud [1127-1279] que cet ouvrage est proposé par Zhu Xi comme un des quatre Canons [la Grande Étude, l’Invariable Milieu, les Entretiens de Confucius, le Mencius]. À partir de ce moment il est placé au-dessus des Cinq Classiques [Canon des Poèmes, Canon de l’Histoire, Livre des Mutations, Livre des Rites, Annales Printemps Automne] pour faire partie des écritures classiques. Ce ne sera que durant la dynastie des Yuan [1261-1368] que Mencius sera considéré comme le Sage [ayant aussi le sens de sacré, saint] Mencius. Le fait que Mencius fût considéré comme Sage lors de la dynastie des Yuan est un événement historique ayant une grande signification psychanalytique : c’est, en effet, un Chinois qui, sous le règne d’une dynastie étrangère ayant conquis et soumis les Chinois, est choisi par les dirigeants étrangers comme le nouvel esprit chinois — d’autant plus que ces dirigeants étrangers à l’origine espéraient contrôler Cathay par le biais du christianisme —.

Ces éléments de base peuvent peut-être nous aider à comprendre pourquoi la vie de Mencius jusqu’à l’âge de 43 ans reste une page blanche. L’histoire de sa vie après 43 ans repose principalement sur le matériau mis au jour en rapprochant son Mencius avec des livres d’Histoire. Quelle que soit la signification de Mencius pour nous aujourd’hui, dans les livres d’Histoire il n’y a pas, le concernant, d’inscriptions aussi détaillées que pour Confucius. Sima Qian [1] [grand historien chinois, auteur de Mémoires Historiques], à propos de l’histoire de la vie de Mencius, n’a écrit qu’une seule phrase : « Mencius, originaire de l’État de Zou. Étant un disciple de Zi Si [petit-fils de Confucius], c’est chez qui il fit ses études. » À propos de ce disciple, Mencius n’en a rien dit et Sima Qian n’en sait pas plus [1].


1.2    Le vrai et le faux dans le matériau sur la mère de Mencius

Mencius perdit son père durant son enfance, donc sa mère l’accompagna certainement la plupart du reste de sa vie. Certaines données montrent que la mère de Mencius est morte lorsqu’il avait 56 ans, d’autres disent que ce fut à 63 ans. Bien que l’âge ne puisse être déterminé avec exactitude, si l’on considère la situation dans laquelle il enterre sa mère, telle qu’elle est présentée dans Mencius, on peut remarquer que Mencius avait déjà à ce moment-là depuis plusieurs années un poste officiel, une certaine influence ainsi que de la fortune, et à cette époque, Mencius était déjà dans un âge avancé.

Concernant les écrits au sujet de la mère de Mencius directement, deux livres existent : l’un est la Biographie In officielle sur le mode du Canon des Poèmes de Han Ying sous la dynastie des Han [226 -9 av. J.-C.], l’autre est Des Femmes Intègres [i.e. qui se suicident pour suivre leurs maris dans leur tombe] probablement de Liu Xiang. Han Ying est un érudit et fonctionnaire du début de la dynastie des Han et son ouvrage constitue une interprétation originale du Canon des Poèmes. Des Femmes Intègres est publié sous la fin des Han Occidentaux ou encore plus tard, c’est un manuel de morale spécifiant la conduite des femmes. La nature de ces ouvrages nous indique d’une part pour la Biographie que ce n’est pas un ouvrage d’Histoire mais des histoires expliquant des poèmes et donc l’origine de ces histoires se trouve dans des citations d’œuvres classiques ayant qualité de légendes, d’autre part Des Femmes Intègres, afin de modeler des images de grandes femmes conformément aux standards des hommes, repose complètement sur une fiction à base de légendes.

Pour chaque Chinois la tradition de la mère, grande et idéale, est très claire. La mère de Mencius et la mère de Yue Fei [patriote et général chinois, 1103-1142] sont connues de tous, la mère de Confucius, de Hai Rui [ministre intègre sous la dynastie des Qing, 1514-1587] et de Su Shi [écrivain chinois, 1036-1101] ont elles aussi une influence aussi grande. De plus existe aussi Guanyin [bodhisattva Avalokiteshvara] qui représente la sinisation du bouddhisme. Dans la tradition spirituelle, les exigences à propos de la mère idéale laissent apparaître les désirs inconscients des Chinois.

Ces désirs cachent le vrai et le faux, la mère de Confucius et la mère de Yue Fei sont en cela typiques.

Tout d’abord la mère de Confucius, Yan Zhengzai. D’après les légendes parvenues jusqu‘à nous et les inscriptions d’il y a quelques centaines d’années, Yan Zhengzai est la perle du Clan Yan — un clan familial très puissant —. Yan Zhengzai s’y connaît très bien en matière d’éducation, son père Yan Xiangze est un érudit, et a joué sur la réussite de Confucius un rôle très important. De plus la puissance de ce clan a aussi influencé la carrière officielle de Confucius.

Par ailleurs, l’Étude Critique de la Mère de Confucius Yan Zhengzai de Zhou Guosong démontre que les citations sur la mère de Confucius dans les légendes sont toutes fausses, que son nom de Yan Zhengzai est faux, que son origine en tant que perle du clan Yan est fausse et que le discours sur l’éducation est fausse aussi. Par exemple, si la mère de Confucius était de l’aristocratie, alors Confucius ne pourrait être nommé Qiu [signifiant butte ou tombe] car cela ne correspondrait pas à la façon de nommer des aristocrates dans les temps anciens. Un autre exemple : si on considère les règles des clans dans les temps anciens, et si on pense au code des noms de familles et de clans, ainsi qu’au fait que la mère de Confucius refusa de lui dire l’endroit où était enterré son père et qu’elle emmena Confucius loin de son oncle Liang et de son foyer, on peut penser qu’elle n’avait même pas obtenu la place d’une femme ou d’une concubine. Bien plus important encore, si Confucius a grandi dans le clan Yan, pourquoi aurait-il dit « quand j’étais jeune, j’étais de condition humble » ? [2]

La mère de Yue Fei appartient à l‘Histoire plus récente, mais son cas n’est pas très différent. Le tatouage de la mère de Yue Fei est la parabole de la grande mère la plus connue de Chine. Ce tatouage sur le dos « se sacrifier loyalement pour le pays » est entouré de fausses rumeurs allant crescendo. La légende date de la dynastie des Ming. Le petit-fils de Yue Fei n’a pas mis sur papier l’histoire de la mère de Yue Fei et dans toutes les annales historiques de la dynastie Song c’est seulement dans l’Histoire de He Zhu que le tatouage dans le dos de Yue Fei est interprété comme « se sacrifier loyalement pour le pays » [3]. Si la mère de Yue Fei avait accompli un tel exploit, comment se pourrait-il que son petit-fils ne l’ait pas remarqué dans l’histoire de sa vie ? On peut donc fortement douter du tatouage sur le dos de Yue Fei, et même s’il avait existé, ce ne serait être la mère qui l’y aurait inscrit.

Il apparaît ainsi que les Chinois des temps anciens ont un fantasme envers les mères des grands personnages, c'est-à-dire que les mères des grands personnages possèdent une grandeur particulière. Ce type de fantasme comme par exemple chez des personnages comme Confucius et Yue Fei a déjà oblitéré avec succès la vérité de l’Histoire.

La situation de la mère de Mencius est quelque peu différente. La Biographie In officielle sur le mode du Canon des Poèmes est une interprétation du Canon des Poèmes. Les citations tirées des œuvres classiques font fonction de thèse, dont la véracité est la précondition à son établissement. De plus, les inscriptions ayant trait à Confucius dans le livre se recoupent avec les Mémoires Historiques. D’après l’auteur de cet ouvrage, les dates de naissance et de mort de Han Ying se situent environ au IIe siècle avant notre ère, c'est-à-dire environ cent ans seulement après la mort de Mencius. C’est différent pour les histoires de la mère de Yue Fei ou de celle de Confucius qui sont transmises après un très grand blanc historique, d’autant plus que l’histoire de la mère de Confucius a aujourd’hui une grande similarité avec celle de la mère de Mencius. Si la légende de la mère de Mencius n’avait pas une certaine véracité, alors pourquoi Han Ying n’aurait-il pas, dans son livre, inscrit l’histoire de la mère de Confucius, nommée Yan Zhengzai, éduquant son fils ? En ce qui concerne l’estime envers les grandes mères, l’image de la mère de Mencius n’est peut-être pas la première, la Biographie n’en est peut-être pas la première inscription, mais du point de vue de l’influence historique, l’image de la mère de Mencius créée par la Biographie a véritablement formé un précédent dans la tradition de la mère idéale. Cette création n’est certainement pas sans aucun fondement.

En même temps, Mencius et Confucius sont différents. Confucius est le fondateur approuvé de tous du confucianisme, il occupe une position très élevée, et beaucoup de personnes s’en servent de prétexte. Par contre Mencius, représente une des huit écoles postérieures, mais le fait qu’il soit considéré comme un Sage est un événement postérieur à la dynastie des Song. Sima Qian a très rarement fait allusion à la vie de Mencius et a relégué Mencius et Xun Zi dans les biographies – comme pour renforcer ce fait -. Ainsi, qu’au début de la dynastie des Han, quelqu’un écrive l’histoire fausse d’une personne de moindre importance comme Mencius à cette époque, c’est pratiquement impensable.

Donc, la Biographie peut être considérée comme véridique en ce qui concerne la description de la mère de Mencius ou encore on peut dire que la véracité du matériau est très probable. De ce fait, Des Femmes Intègres se situant dans la continuité de cette œuvre et comportant des inscriptions sur Mencius est aussi très probablement vrai.


1.3    Le matériau sur la mère de Mencius

Les inscriptions sur la mère de Mencius dans Biographie In officielle sur le mode du Canon des Poèmes sont ainsi :

Petit, Mencius récitait à haute voix, tandis que sa mère tissait à proximité. Soudain, Mencius s’arrêta puis un instant après entra dans la maison. Sa mère savait que Mencius faisait du bruit, elle lui demanda alors de venir vers elle : « pourquoi ne récites-tu plus tout d’un coup ? » Mencius lui répondit : « j’avais oublié mon texte, ensuite je m’en suis souvenu. » Après avoir entendu cela, la mère de Mencius prit un couteau et coupa le tissu qu’elle était en train de tisser – elle utilisa ce moyen pour éduquer son fils –. Depuis ce moment, Mencius ne fit plus de tapage. Lorsque Mencius était petit, la famille Dong voisine tua un porc. Mencius demanda alors à sa mère : « Pourquoi les Dong tuent-ils un porc ? ». La mère de Mencius répondit : « Ils le tuent pour te le donner à manger ». Après avoir dit cela, la mère de Mencius regretta tout de suite ses paroles. Elle se dit à elle-même : « Quand j’étais enceinte de cet enfant, si le siège n’était pas placé convenablement, je ne m’y asseyais pas, si les aliments étaient mal coupés, je ne les mangeais pas, c’est l’éducation prénatale. Bien qu’aujourd’hui je sache très bien de quoi il retourne, je le trompe. Mon éducation n’est pas crédible. » Par la suite, elle s’en fut chez les Dong acheter du porc qu’elle donna à son fils pour manger – tout cela pour donner à son fils un exemple de non-duperie.

L’épouse de Mencius était seule à la maison, accroupie ce qui laissa voir sa vulve. Lorsqu’il entra, Mencius le vit. Ensuite il alla demander des instructions auprès de sa mère : « Cette femme n’a aucune politesse, ordonne-moi de la congédier. » La mère de Mencius dit : « Pourquoi donc ? » Mencius répondit : « elle est accroupie et cela laisse voir sa vulve ». Ce à quoi la mère de Mencius dit : « Comment le sais-tu ? » Mencius dit : « Mes propres yeux l’ont vu. » Ainsi sa mère répondit :

C’est toi qui n’as aucune politesse, et non pas ta femme. Ne me dis pas que dans le Livre des Rites il n’est pas dit ‘si on passe la grande porte, on demande si les personnes de la maison sont là ; si on entre dans la pièce centrale, il faut hausser le ton pour parler ; si on entre dans la chambre à coucher, les yeux doivent regarder le sol. Cela, c’est pour ne pas prendre sa femme de surprise et lui donner le temps de couvrir son corps. Aujourd’hui en rentrant dans les quartiers privés, tu n’as pas fait de bruit, ce qui à conduit ta femme à te montrer sa vulve, c’est toi qui es impoli et non pas ton épouse. [4]

Ainsi Mencius s’accusa lui-même et ne pensa plus à congédier son épouse.

Dans ces trois paraboles il s’agit du tissu coupé pour éduquer le fils, de la viande achetée pour nourrir le fils et d’une troisième à laquelle les anciens n’ont pas donné de nom, mais que je vais appeler : « Mencius congédie sa femme ».

Les inscriptions sur la mère de Mencius dans Des Femmes Intègres sont ainsi :

La mère de Mencius ainsi nommée venait de l’État de Zou. Cette année-là, ils habitaient non loin de là. Quand Mencius était petit, il aimait beaucoup le jeu du cimetière. Il jouait avec ses petits amis à bâtir des tombes. La mère de Mencius s’en rendit compte et dit : « ce n’est pas un endroit pour éduquer un enfant ici. » Ainsi ils déménagèrent pour habiter à côté d’un marché. Là, Mencius jouait à imiter les marchants vendant et achetant. La mère de Mencius dit de nouveau : « cet endroit n’est pas non plus un endroit où je peux éduquer un enfant. » Ainsi de nouveau ils déménagèrent, cette fois à côté d’une école. À cet endroit, quand il jouait avec ses petits amis, Mencius utilisait des plats à offrande pour imiter les saluts et prosternations en s’inclinant de politesse. Alors la mère de Mencius dit : « Cet endroit est bien propice à l’éducation des enfants. » Ainsi ils restèrent habiter à cet endroit. Après que Mencius ait grandi et ait appris les six arts [rites, musique, archerie, conduite des chariots, calligraphie et mathématiques], il réussit finalement à atteindre le renom de grand confucéen.

Lorsqu’il était petit, une fois alors qu’il rentrait de l‘école, sa mère était en train de tisser et lui demanda : « A quel niveau en es-tu arrivé ? » Mencius répondit : « je me débrouille ». En entendant cela, la mère de Mencius prit un couteau dans sa main et coupa le tissu qu’elle était en train de tisser. Mencius prit peur et lui en demanda la raison. La mère de Mencius répondit : « Tu n’étudies pas, c’est comme moi qui viens de détruire ce tissu. Une noble personne doit étudier pour établir sa réputation. C’est seulement par de nombreuses questions que l’on peut accroître ses connaissances et on peut ainsi rester paisiblement à la maison et que les actions n’engendrent pas de malheurs. Si comme aujourd’hui tu n’étudies pas, il te sera impossible de te débarrasser de la dureté de la vie et d’éviter les désastres. Ainsi, pour moi tissant pour nourrir la famille, quelle est la différence entre arriver à la moitié pour arrêter ou bien de ne pas tisser du tout ? Crois-tu qu’ainsi je pourrais donner des vêtements à mon mari et mon fils ainsi qu’assurer notre alimentation ? Si la femme abandonne son artisanat avec lequel elle nourrit sa famille et l’homme adopte une morale défaillante, alors il ne reste plus qu’à devenir soit voleurs soit esclaves. » Mencius l’écouta et prit peur. Depuis ce jour, du matin au soir il étudia avec assiduité, suivit les cours de Zi Si et finalement devint un confucéen réputé.

Alors qu’il avait déjà pris femme, Mencius entra dans la chambre et vit son épouse dévêtue. Mencius était très mécontent et ne rentra même pas dans la pièce. Ayant remarqué cela, l’épouse de Mencius supplia la mère de Mencius de la laisser retourner chez ses parents, elle dit : « j’ai entendu parler des principes dans un couple marié, il n’y a pas besoin d’avoir des scrupules dans la chambre à coucher. Aujourd’hui j’étais dans la chambre dévêtue. Et après m’avoir vu, mon mari était très mécontent, comme s’il me prenait pour une invitée. Une épouse ne peut avoir la place d’un invité qui passe la nuit. Laisse-moi alors rentrer chez mes parents. » Alors la mère de Mencius fit amener Mencius et lui dit : « L’étiquette veut qu’avant de passer la grande porte on demande où se trouve la personne à qui on rend visite, c’est une manière de montrer le respect. Si on entre dans la pièce centrale, on doit laisser l’occasion aux personnes qui s’y trouvent de se préparer. Si on entre dans la chambre à coucher, les yeux doivent être dirigés vers le bas, afin de ne pas voir les déficiences des autres. Aujourd’hui tu n’as pas examiné suffisamment les règles de ton étiquette et au contraire tu penses que ce sont les autres qui manquent à la politesse, ce n’est pas très raisonnable de parler ainsi ! » Mencius s’excusa alors pour cette offense et s’empressa de convaincre son épouse de rester.

Mencius se trouvait dans l’État de Qi et se faisait beaucoup de soucis. La mère de Mencius le vit et demanda : « Fils il semble que tu te fasses du souci, que se passe-t-il ? » Mencius répondit : « il n’y a rien ». Quelques jours plus tard, Mencius était à la maison, se tenait à un pilier et soupirait. La mère de Mencius le vit et dit : « il y a quelques jours tu étais soucieux mais dit qu’il n’y avait rien, aujourd’hui tu te tiens au pilier en soupirant, que se passe-t-il ? » Mencius répondit : « j’ai entendu dire qu’une noble personne devrait atteindre un poste de fonctionnaire selon son propre savoir-faire, qu’on ne peut recevoir une récompense sans avoir rien fait et qu’on ne peut pas non plus prétendre à gloire et fortune. Les monarques n’écoutent pas leurs conseillers, donc c’est inutile d’essayer de conseiller. Si personne n’écoute, il n’est pas nécessaire d’aller saluer le monarque. Maintenant l’État de Qi n’est pas gouverné de façon bénévolente, je voudrais partir mais mère est âgée, c’est la raison pour laquelle je suis soucieux. » La mère de Mencius l’écouta et dit : « l’étiquette des femmes mariées veut que nous fassions bien le repas et l’alcool, que nous nous occupions bien de nos beaux-parents, que nous tissions des habits, un point c’est tout. Ainsi nous n’avons que l’artisanat des appartements féminins, nous n’avons pas d’aspirations à gouverner. Dans le Livre des Mutations il est dit : ‘bien s’occuper des choses de la maison, des mets et des boissons, sans se laisser aller à ses désirs. Dans le Livre des Rites il est dit : ‘Ne pas désobéir, ne pas sortir des standards, il faut seulement s’occuper des mets et boissons comme si c’était ses propres affaires. Tout cela veut bien dire que les femmes n’ont pas le devoir de dépasser les contrôles, et ne doivent que suivre les ordres. Ainsi, jeunes, elles suivent les ordres des parents, mariées, elles suivent ceux du mari, après la mort du mari elles suivent ceux du fils, c’est cela l’étiquette. Maintenant tu es déjà adulte, moi je suis déjà âgée, tu vas sur ton chemin, je suis ce que me dicte mon étiquette, et voilà. » [5]

Dans ce matériau, la première et la dernière parabole sont nouvelles. La dernière ne porte pas de nom chez les anciens, je lui donnerai donc un nom : « Mencius quitte Qi ». En ce qui concerne les deux paraboles du tissu coupé pour éduquer le fils et Mencius qui congédie sa femme dans la Biographie In officielle sur le mode du Canon des Poèmes et dans Des Femmes Intègres, toutes deux sont embellies littérairement et sont utilisées dans le texte aux fins de l’auteur. Ainsi pour souligner les louanges de la femme défendant sa vertu, une histoire remplace la partie de Mencius par une partie attribuée à sa femme. Dans ce cas il est important de se concentrer sur les événements qui ont lieu, les autres détails sont ici de moindre importance.



2    Analyse

2.1    Analyse du matériau sur la mère de Mencius

2.1.1    L’éducation des premières années

Couper le tissu pour éduquer est une scène bouleversante : Mencius a juste oublié un mot dans ce qu’il apprend par cœur, s’arrêtant pour reprendre ensuite et déjà la mère de Mencius coupe le tissu qui sert de base pour soutenir la famille. Ainsi, l’explication dans Des Femmes Intègres est que la mère de Mencius le lui fait comprendre qu’un oubli temporaire est considéré comme annulant les études de même que le tissu coupé ne peut être réutilisé. Ceci est un déchiffrage freudien, ce que la mère de Mencius veut dire par son action s’est élaboré dans Des Femmes Intègres.

Un enfant qui apprend par cœur et qui oublie un mot, mais qui s’en souvient tout de suite, ceci est une scène quotidienne. Celle-ci pourrait d’ailleurs conduire les parents à encourager leur enfant, ayant ici une bonne occasion de le guider patiemment et systématiquement. Ce n’est donc pas une mauvaise chose mais plutôt au contraire une bonne chose. À l’époque de Mencius, le confucianisme n’était pas encore l’orthodoxie en Chine et les maîtres d’écoles privées étaient encore bien loin de devenir aussi sévères que la mère de Mencius. À l’époque où Han Ying écrivit la Biographie, la prédominance de l’école confucianiste ne faisait que commencer et n’avait pas atteint le stade de l’éducation. Si nous le comparons à Confucius qui était pauvre dans ses premières années, Mencius avait pu étudier, tandis que Confucius avait dû travailler pour gagner sa vie. Sans se préoccuper de la question de la valeur d’apprendre ou non par cœur, Confucius avait dit de lui-même : « Quand j’étais jeune, j’étais d’une condition humble, j’ai appris plusieurs arts, qui sont choses de peu d’importance ». [6] Sima Qian dit aussi pour le décrire : « Confucius était de famille pauvre et inférieure. » [7]

La parabole de l’achat du porc pour nourrir le fils s’est aussi passée lors de son enfance et montre que sa famille était également pauvre. Mencius sous le Roi Liang Hui montre aussi que la famille de Mencius était pauvre, malgré tout sa mère ne l’a pas envoyé « apprendre plusieurs arts », mais le gardait plutôt sous sa responsabilité. Si Mencius pose la question à propos du porc, c’est qu’il a faim. Manger de la viande était chose peu facile, sinon il aurait demandé à manger des fruits de mer et de l’oreille-de-mer. A ce moment la mère de Mencius ne lui dit pas « notre famille est pauvre », mais elle crée un beau fantasme pour son enfant. Cela signifie aussi que, hormis les études, c’est la mère de Mencius qui assume les difficultés de la vie pour lui. La phrase que la mère de Mencius prononce après avoir perdu contrôle est une phrase ajoutée par Han Ying dans la Biographie. Il imagine que si la mère de Mencius avait dit cette phrase, alors Mencius aurait su que sa mère était en train de se contrarier elle-même. Mais la façon d’agir de la mère de Mencius est juste - c’est pour que Mencius croie que cette histoire est vraie, de cette manière ses paroles et actes sont alignés. Ainsi « Quand j’étais enceinte de cet enfant… » est une lecture freudienne de Han Ying en ce qui concerne l’achat de la viande pour nourrir son fils. Mais cette lecture n’est pas exacte : trouver une occasion d’acheter de la viande pour son enfant par le biais d’une erreur.

Ici, la particularité de la mère de Mencius apparaît très clairement dans ces lignes. Les méthodes cruelles des femmes chinoises envers elles-mêmes deviennent, en son endroit, très évidentes. C’est sur ce type de méthodes que les femmes à la campagne s’appuient pour obtenir un bénéfice réel. L’auto-cruauté de la mère de Mencius c’est le sacrifice typique, ce genre de sacrifice est offert envers un idéal précis. Cet idéal est un homme idéal, un homme idéal dans le sens confucéen du terme. Cet idéal et la relation Mencius et mère de Mencius est chez la mère de Mencius une mysophobie, elle ne tolère pas qu’il puisse exister entre elle et son fils et cet idéal une quelconque déviation. La mère de Mencius se modèle à partir de cet idéal, et de là modèle Mencius.

Ici, la transmission typique du Nom du Père dont parle Lacan est manifeste. Mencius est orphelin d’un père qui est mort alors qu’il était jeune, la mère alors assume sévèrement et transmet la loi du Nom du Père de l’idéal confucéen. Ce qui est transmis dans ces deux paraboles ce sont les pierres angulaires du confucianisme : « étude » et « honnêteté ». La relation des images spéculaires entre mère et fils exclut ainsi aussi la séduction sexuelle œdipienne, pour se tourner directement vers l’idéal du moi du père confucéen.

La mère de Mencius se tient à l’endroit de la transmission du Nom du Père, en ce qui concerne la méthode d’éducation, elle possède ses particularités propres, différentes de la méthode d’éducation du père idéal. Du point de vue de Mencius, son père réel est mort tôt, son père spirituel c’est Confucius. L’éducation de Confucius est ainsi inscrite dans les Entretiens de Confucius :

Un jour qu’il se trouvait seul, comme je traversais la salle d’un pas rapide, il me dit : « Avez-vous étudié le Cheu king [Canon des Poèmes? » « Pas encore », lui dis-je. « Si vous n’étudiez le Cheu king, me répondit-il, vous n’aurez pas de sujets de conversation ». Je me retirai et me mis à étudier le Cheu king. Un autre jour qu’il était encore seul, comme je traversais la salle d’un pas rapide, il me dit : « Avez-vous étudié le Li Ki [Livres des Rites] ? » « Pas encore » lui répondis-je. « Si vous n’étudiez pas le Li Ki, dit-il, votre vertu n’aura pas de fondement solide ». Je me retirai, et me mis à étudier le Livre des Devoirs [Livres des Rites]. [8]

Ce passage est inscrit dans les Entretiens de Confucius sous le titre de « L’homme vertueux s’éloigne de son fils ». Dans les pensées de Confucius il y a bien l’image idéale de l’homme qui se découvre, mais la modélisation de l’idéal n’est pas pressée. Ce n’est pas seulement que ce n’est pas urgent, mais il semble ne pas s’en soucier, si le fils n’en passe pas par là incidemment, il ne le lui apprendra pas non plus activement.

Il en est de même pour la transmission du Nom du Père. La modélisation idéale du fils forcée et sérieuse comme elle l’entend, c’est la méthode propre à la mère de Mencius, méthode qui change de mère idéale à père idéal. La légende de la mère de Yue Fei est ensuite ainsi modelée.

Mais par le biais de la transmission du Nom du Père de la mère de Mencius, Mencius a deux façons de l’accepter. Selon l’exemple du tissu coupé pour éduquer le fils il y a deux identifications à l’« étude » :

        1.         - Il faut étudier.

  1.         - Il faut étudier pour ma mère.


Lequel est-il le bon ?

Dans l’éducation des premières années, il y a aussi les trois déménagements de la mère de Mencius qui sont très connus. Bien qu’étant le plus connu, c’est aussi le fait le plus douteux. Les historiens en sont critiques. Tout d’abord, la parabole des trois déménagements est liée au fait que Mencius a étudié chez Zi Si, mais cela reviendrait à faire une fausse analogie en Histoire. Par ailleurs, ayant déjà les paraboles du tissu coupé et de la viande achetée, Des Femmes Intègres s’est peut être permis une création artistique par une histoire plus antérieure. D’autant plus que le dernier déménagement amène un changement chez Mencius analogue à celui opéré par Confucius comme c’est inscrit dans les Mémoires Historiques – ce genre de changement pour modeler des grands personnages par une approximation est monnaie courante en Chine.

Bien sûr, les caractéristiques que la mère de Mencius montre dans la parabole des trois déménagements sont identiques à celles des deux autres paraboles.


2.1.2    Éducation adulte

2.1.2.1    Mencius congédie sa femme

Considérée de notre point de vue actuel, la parabole de Mencius qui congédie son épouse nous paraît relativement bizarre. La femme de Mencius n’étant pas habillée ou n’ayant pas revêtu de pantalon, laisse apparaître sa vulve à Mencius quand elle s’accroupit ou quand elle écarte les jambes. Cela rend Mencius furieux et il désire congédier son épouse qui est une femme assez intéressante et qui paraît l’aimer. De lui, au contraire, on ne pourrait parler d’amour, ni de désir sexuel d’ailleurs ; il n’y a presque pas de sexualité, ou du moins son attitude par le biais de tout un appareillage de rites réduit le désir sexuel à néant. Nous ne pouvons faire autrement que de nous soucier de Mencius ; à savoir, si de voir la vulve de son épouse est contraire aux rites, alors comment vit-il la sexualité ? De Mencius à nos jours, dieu merci, dans la nuit noire Mencius a trouvé la bonne place dans le lit !

À cet endroit, Mencius lui-même avance sur la trajectoire de transmission originellement indiquée par le Nom du Père de Confucius. Ce qui, en surface, apparaît comme bizarre dans la façon d’agir de Mencius est en fait une façon de réaliser l’idéal du moi confucéen. Confucius se lamentait : « Je n’ai pas encore vu un homme qui aimât la vertu autant qu’on aime une belle apparence ! » [9] En cela Confucius avait ses idées, il dit ainsi à son disciple Yan Yuan [521-481 av. J.-C.] : « Parvenez à vous vaincre vous-même, à recouvrer entièrement l’honnêteté du cœur, aussitôt tout l’univers dira que votre vertu est parfaite. »  [10]C'est-à-dire que la pratique des rites pour maîtriser ses désirs a pour finalité d’atteindre l’exercice, le maintien et la propagation de l’idéal de vertu et bénévolence. Ce thème n’est pas seulement propre aux confucianistes. La tradition prenant ses débuts dans la Grèce antique avec Socrate comprend aussi ainsi la relation entre désir sexuel et vertu, par un contrôle des manifestations de la vertu. Leurs méthodes restent différentes de celles des confucianistes, ils ne préconisent pas des rites pour la respecter, mais l’investissement personnel dans l’exercice du contrôle du désir. Dans le Banquet, Socrate ne refuse pas Alcibiade mais reste chaste face au jeune beau garçon qui l’étreint. [11]

Mencius lui-même a sur ce sujet une connaissance plus approfondie. Si on observe ses théories, elles ressemblent plus à une sorte de combinaison entre confucianisme et pensées de la Grèce antique. Dans Mencius Gaozi, Gaozi émet l’idée que : « La nature elle-même nous porte à aimer les mets savoureux, les belles couleurs. » Sans pour autant que ce soit ce à quoi Mencius s’identifie. Pour Mencius : « C’est par une tendance naturelle que le goût se porte vers les saveurs, la vue vers les odeurs, tous les membres vers le bien-être et le repos. Mais la providence est la dispensatrice des biens extérieurs. Pour cette raison, le sage ne donne pas à cette tendance naturelle le nom de nature, c.-à-d. de loi naturelle que l’homme puisse ou doive suivre en toutes choses. » [12] Il est naturel que voix et expression (du visage) cherchent jouissance, comme c’est inné, c’est le destin mais c’est aussi parfois un ordre qu’il ne faut pas obligatoirement prendre en compte, auquel on peut ne pas faire attention. Bénévolence, droiture, rites et savoir sont des exigences qui apparaissent dans les relations. Ce sont des ordres mais aussi le destin, et (ces quatre exigences) sont aussi la commisération, la honte et le mal, le respect, et le bien et le mal qui sont des exigences naturelles, de caractère naturel, qu’il faut bien traiter et conserver, et pratiquer soigneusement. La pratique des rites de Mencius n’est pas seulement la réalisation de la vertu et de la bénévolence par le biais de la pratique des rites, rites et bénévolence sont deux parties de la vertu. Pratiquer les rites c’est forger la vertu.

Dans la parabole où Mencius congédie son épouse, la mère de Mencius n’est pas une mère compréhensive comme on en voit beaucoup en plaisantant avec son fils sur les préférences de sa belle-fille et l’incompréhension de son fils. Elle va plus en avant que Mencius en disant que le fait de ne pas être vêtue ne peut compter comme faute. La faute c’est pour Mencius d’avoir vu la vulve de sa femme. Et s’il en arrive à voir cela, c’est parce qu’il n’a pas observé les rites en entrant dans la chambre. On ne peut faire autrement que de se demander si la mère de Mencius n’avait pas aussi peur de ne pas avoir de postérité. La mère de Mencius ne paraît pas réfléchir longuement sur cette question, mais c’est dans sa mysophobie qu’elle explore les questions laissées par Mencius où le désir sexuel est complètement expulsé. Les événements qui ont lieu dans une telle structure familiale sont assez bizarres. Dans la relation épouse-mari-mère, c’est alors par l’épouse, entre mari et épouse qu’apparaît une sexualité normale, dont la structure atteint immédiatement le bord de l’effondrement. Et c’est par la mère qui a les mêmes sentiments envers la disparition totale du désir sexuel que cette structure recouvre sa stabilité.

Cette structure représente une structure typique, différente de la structure œdipienne, et propre à la tradition psychique chinoise. Il en est de même pour la structure familiale intergénérationnelle axée sur la relation mère-fils. Dans le mythe d’Œdipe, le désir sexuel de l’inceste dans l’inconscient entre mère et fils est transmis. Entre Mencius et sa mère, le père est de même mort tôt, mais le désir sexuel est complètement éliminé. L’élimination du désir sexuel et le sentiment de culpabilité de la mort du père ne sont pas liés. Dans le complexe d’Œdipe, le désir sexuel est originel. Entre la mère de Mencius et Mencius l’élimination du désir sexuel est aussi originelle. Cette nature va presque jusqu’à refuser cette relation normale entre mari et femme.

Dans cette parabole, la mère de Mencius hors du Nom du Père commence à apparaître entre Mencius et sa mère. Pour Mencius, après avoir précisé que son épouse ne connaissait pas les rites, il n’a pas pris la décision de congédier son épouse, mais il laisse sa mère en décider. Ceci est contre les rites. Le fils étant devenu adulte, la mère « suit son fils » comme le veut le principe directeur des « trois obéissances » [pour une femme, à son père, à son mari et ensuite à son fils] – pour Mencius et sa mère c’est un principe directeur connu et acquis –. En surface, Mencius et sa mère se plient aux exigences de la loi du Nom du Père. Ensuite lorsque se produit un conflit entre la loi du Nom du Père et la mère qui assume les responsabilités, Mencius choisit d’abandonner la loi pour choisir la mère – bien que cet abandon ne soit ni clair ni sérieux –. Si nous revenons à la discussion sur la parabole du tissu coupé pour éduquer le fils, entre « il faut étudier » et « il faut étudier pour ma mère », Mencius préfère le dernier choix.

C’est-à-dire dans le processus de transmission consciencieuse de l‘idéal paternel par la mère de Mencius comme Nom du Père, Mencius considère la mère comme premier attribut, le Nom du Père comme second attribut. On peut aussi dire que, comme il y a congruence entre le Nom du Père et l’idéal paternel, le fils est considéré comme premier attribut avec la mère qui fait un avec le Nom du Père, tandis que l’idéal paternel est le second attribut. Ici, nous trouvons la base psychique de la tradition d’autorité de la mère qui est extrêmement stable dans l’histoire chinoise.

L’authenticité de la parabole n’a nullement besoin d‘être mise en doute sur le plan de la signification de la légende. Ce que Han Ying a écrit n’est certainement pas fabriqué. En tant qu’académicien confucianiste, il ne pourrait diminuer un sage confucianiste afin de couronner une mère. L’époque à laquelle il vit c’est justement la première étape où l’orthodoxie confucianiste s’établit. Faire ainsi ne serait stratégiquement pas approprié.


2.1.2.2    Mencius quitte l’État de Qi

Mencius quitte l’État de Qi est la seule parabole que l’on peut puisse être en opposition avec le Mencius et les inscriptions historiques s’y rapportant. Comme les dates de naissance et de mort de Mencius ne sont pas connues avec précision, il est difficile d’être certain de son âge lors de ses passages dans différents États. La seule chose crédible, c’est que Mencius arriva à Qi à l’âge de 54 ans, que sa mère y arriva un an plus tard et que la mère de Mencius y mourut alors qu’il avait 56 ans. Dans cette parabole sont contenus implicitement les efforts d’une mère éminente ainsi que la dernière apogée d’un grand drame enfoui dans l’histoire.

Mencius, au cours de sa vie n’a pas réussi selon ses aspirations : c’est envers le roi de Qi et sa façon bénévolente de régner qu’il nourrissait les plus grands espoirs. Parmi toutes ses aspirations déçues, le roi de Qi est celui qui traita le mieux Mencius. Ceci est illustré partout dans le Mencius. Dans sa relation avec les vassaux, ce sont tout le temps les différents avec le roi de Qi qui sont difficiles à régler : « S’il le voulait, quel serait à notre époque le grand sage qui préparerait la restauration, si ce n’est moi ? » [13] soupira-t-il après avoir quitté Qi. Dans l’État de Qi Mencius n’a pas de succès, mais du fait de la position obtenue à Qi, du traitement (économique) qu’il y reçoit, l’État de Qi est l’endroit le plus propice pour subvenir aux besoins de sa mère vieillissante : le conflit interne de Mencius est compréhensible. Mais sa mère, cette mère qui dans toutes les paraboles démontre une force assez impérieuse et bien plus encore porte un arrière-goût de Nom du Père, ne fait que lui parler des « trois obéissances » et prend pour lui l’ultime décision : « tu vas sur ton chemin, je suis ce que me dicte mon étiquette » Cette mère éminente mysophobique, dans la dernière phase de sa vie, se retourne vers la condescendance d’une femme telle qu’elle est définie par les confucianistes. La dernière transmission est aussi la transmission la plus contradictoire : celle du Nom du Père. Devant le conflit du fils entre loyauté et piété filiale, la mère de Mencius soulage son fils de ce fardeau.

Mais ce à quoi Mencius fait le plus attention, ce n’est pas le Nom du Père mais sa mère et il ne quittera ainsi pas Qi. Mencius n’a plus qu’un seul chemin, inconscient, comme un lapsus : l’erreur la plus extrême, la mort. Nous ne savons pas et ne saurons jamais si la mère de Mencius est morte de vieillesse ou de maladie, mais la raison de sa mort n’est pas importante. L’important c’est que dans la mort de la mère de Mencius il y a clairement un désir inconscient. Ce désir est exaucé, après la mort de la mère de Mencius, Mencius quitte Qi. Et c’est seulement lorsqu’il revient à Qi, qu’il y devient un fonctionnaire de haut rang – même si c’est pour un laps de temps bref, c’est la seule fois où Mencius durant sa vie a eu dans un appareil du pouvoir d’un grand État une fonction en politique. Ce Mencius au cœur immuable montre dans cette hésitation après avoir quitté son poste – sa seule hésitation – ses émotions personnelles. Lorsque finalement il quitte son poste à Qi, s’il hésite pendant plusieurs jours, ce n’est pas seulement à cause de ses idéaux personnels, c’est parce qu’il porte sur son dos aussi le rêve de la mort de sa mère.

La vie de la mère de Mencius est une vie dédiée du début à la fin au modelage consciencieux de Mencius pour qu’il devienne un homme idéal dans le sens confucéen. De ce fait, sa mysophobie psychique ne laisse pas d’espace à Mencius et ne laisse presque pas non plus d’espace pour elle-même. Cette femme qui a perdu son mari tôt, du moins à partir de la naissance de Mencius, commence à réaliser la castration d’elle-même.

Mencius a réussi, a complètement réussi. Il n’a pas atteint le pouvoir, mais sur les épaules de Confucius il a fait un grand pas en avant. Il a créé un monde dont un savant peut être fier. Mencius est devenu un Sage et de ce fait la mère de Mencius est aussi une mère Sage. Elle est la première mère Sage de l’Histoire de la Chine. En réalité, c’est la seule.

Dans la parabole, la mère de Mencius est une femme qui lit assidûment les Classiques. Dans le processus de l’éducation de Mencius, elle n’est pas seulement pertinente, mais elle fait bon usage de citations et d’arguments. Son trait de caractère le plus important est qu’on peut avoir confiance en elle : sa persévérance face à l’éthique confucéenne qui pourtant à cette époque n’était pas unifiée ne pouvait fructifier que par le biais d’une force personnelle, ce qui sans ses lectures serait impensable. La discussion précédente le montre : la façon de la mère de traiter Mencius est complètement différente des exigences et de l’éducation habituelles des enfants.


2.2.    La réponse de Mencius à propos de sa mère

La mère de Mencius a une influence visible sur Mencius. Dans les paraboles, cette influence émerge comme une forme de vie. Or le Mencius, en partant des théories de Mencius, manifeste sous l’investissement de la mère tout entière le contre-investissement de Mencius.


2.2.1    Mencius enterre sa mère

Sous le Roi Liang Hui note que l’enterrement de son père fut moins pompeux que celui de sa mère. Ceci poussa Lu Pinggong [?-303 av. J.-C.] à calomnier Mencius quelque peu ainsi : « ceux qui sont enterrés après, le sont plus pompeusement que ceux d’avant ». Le Zhengzi répondit ainsi à Lu Pinggong :

Ce n’est pas une raison suffisante pour dire que les funérailles de la mère de Meng tzeu aient été plus pompeuses que celles de son père. Les pauvres n’ensevelissent pas leurs morts avec le même luxe que les riches.

L’explication de Le Zhengzi suit les explications de Mencius lui-même – comme dans les lignes de Mencius. À propos des enterrements pompeux ou non des proches, Mencius y répond directement de façon voilée dans Teng Wen Gong :

Mencius dit : I Tcheu pense-t-il réellement qu’un homme ne doit pas aimer le fils de son frère plus que le fils nouveau-né de son voisin ? Le passage du Chou King qu’il a cité, nous donne un enseignement qui mérite d’être retenu. Si un jeune enfant se traîne sur les mains et sur les pieds jusqu’au bord d’un puits et s’expose au danger d’y tomber, ce n’est pas la faute de l’enfant. En outre, le Ciel, pour donner la vie aux hommes, emploie un principe unique, à savoir, les parents. I Tcheu se trompe, puisqu’il admet en quelque sorte deux principes. Dans la haute antiquité, il y avait des hommes qui n’enterraient pas leurs parents. Après leur mort, ils les jetaient dans un fossé. Quelque temps après, passant auprès d’eux, ils voyaient les renards les dévorer et une multitude de mouches et de moucherons en faire leur pâture. La sueur leur coulait sur le front ; ils regardaient d’un œil oblique, n’osant regarder en face. Cette sueur ne venait pas d’un sentiment d’affection et paraissait sur le visage. Alors ils retournaient à la maison, prenaient une corbeille et une brouette, versaient de la terre sur les corps de leurs parents, et les couvraient. S’il est louable de couvrir de terre les corps de ses parents défunts, un bon fils, un homme vraiment humain, en les inhumant avec honneur, agit selon les vrais principes.

Si nous nous souvenons de Confucius, la façon de penser de Confucius à propos des rites d’enterrement est la suivante :

Dans les démonstrations extérieures, il vaut mieux rester en deçà des limites que de les dépasser ; dans les cérémonies funèbres, la douleur vaut mieux qu'un appareil pompeux. [14]

Les Mémoires Historiques notent :

Lorsque la mère de Confucius mourut, celui-ci arrêta la bière de sa mère dans le passage Wufu – cela il doit l’avoir fait par prudence, les personnes dans le cortège mortuaire de la mère de Confucius lui dirent l’endroit de la tombe de son père, c’est alors que Confucius pu mettre la bière de sa mère dans la direction de la tombe de son père pour les enterrer ensemble. [15]

Cet extrait ne parle pas des enterrements pompeux, mais : « celui-ci arrêta la bière de sa mère dans le passage Wufu » montre la détermination de Confucius à enterrer père et mère ensemble ; ce à quoi il est déterminé malgré le risque de plus en plus grand de la décomposition du cadavre de la mère. Encore plus typique est la manière de Confucius de traiter la mort de Yan Yuan :

Ien Iuen [Yan Yuan] étant mort, les disciples de Confucius voulurent faire de grands frais pour sa sépulture. Le Maître dit : « Cela ne convient pas ». Les disciples l’enterrèrent néanmoins à grands frais. Le Maître dit : « Houei (Ien Iuen) me considérait comme son père ; moi, je n’ai pu le traiter comme mon fils. Ce n’est pas moi qui en suis la cause, mais ces quelques disciples. » [16]

Yan Yuan était le disciple préféré de Confucius, il le traitait encore mieux que son propre fils, Kong Li. Afin que Yan Yuan atteigne le résultat qu’il espérait de tout son cœur, il ne céda pas à la pression d’emprunter son chariot au père de Yan Yuan pour transporter le cercueil de ce dernier. L’enterrement pompeux des disciples pour Yan Yuan lui fit déplorer que les disciples ne lui aient pas donné l’occasion de le traiter comme un fils. La détermination de Confucius s’explique parce qu’il a compris est que, lors de l’enterrement d’un proche, la qualité spirituelle prenant le pas sur les choses matérielles ne peut être incarnée que par un enterrement simple.

Confucius est le père spirituel de Mencius. La façon de Confucius d’enterrer sa mère a une signification psychanalytique très pleine. La mère de Confucius est une personne sans valeur, dont la position n’est pas reconnue. La détermination de Confucius pour l’enterrement de sa mère afin d’enterrer ses parents ensemble est en fait un appel envers son père mort, appelant l’identification au père mort ; cette identification étant aussi une identification envers la mère et aussi de Confucius envers lui-même. La mère de Confucius du clan Yan ne possède pas d’identité d’épouse comme la mère de Mencius. N’ayant pas non plus de liberté, il est invraisemblable qu’elle ait lu les Classiques. Le patrimoine clanique paternel de lignée aristocratique n’a pas de lien avec la mère elle-même. Dans la question de l’enterrement de la mère, derrière le danger de l’agression possible du corps de sa mère c’est l’appel du Nom du Père de Confucius.

Mencius n’a pas besoin du tout d’appeler le Nom du Père, la mère étant l’incarnation du Nom du Père. Confucius lui a besoin d’une recherche de soi. Comme Mencius a déjà devant lui un père spirituel, lorsque le Nom du Père atteint les limites, Mencius peut sortir du Nom du Père. La mère meurt, mais Mencius ne peut supporter de ne pas l’enterrer pompeusement, pourquoi ? À partir des enseignements et principes de Confucius c’est inexplicable ; par conséquent, Mencius fait appel à la légitimité de l’intuition sans en donner les raisons, et dit : si un proche meurt, je ne supporterai pas un enterrement non pompeux, pourquoi donc ? C’est parce que, si on y regarde de près, il ne peut le supporter. Mencius à la manière d’un enfant soutient une dimension plus accommodante de l’idéal de l’orthodoxie confucéenne, un nouvel idéal qui commence à se bâtir avec lui. Cet idéal est bien sûr contraire à un idéal tout aussi brillant soutenu par le père spirituel de : « dans les cérémonies funèbres, la douleur vaut mieux qu'un appareil pompeux ». Ainsi, Mencius supporte volontiers la punition de l’Autre du Nom du Père. Il dit : « Si je n’ai pas obtenu la faveur du prince de Lou, le Ciel en est la cause. » [17] Tout comme à l’époque Confucius n’avait rien pu faire contre l’enterrement pompeux de son disciple Yan Yuan, ce jour-là Mencius donne un enterrement pompeux à sa mère, il porte en son cœur le respect pour Confucius ainsi que l’autorité d’un père strict.


2.2.2    La philosophie de servir la mère

L’enterrement pompeux répond à la mère, mais Mencius n’en reste pas là. Dans le Li Lou, Mencius dit :

Quel est le plus important de tous les services ? C’est le service dû aux parents. Quelle est la plus importante de toutes les gardes ? C’est la garde de soi-même. J’ai entendu parler d’hommes qui, veillant avec soin sur eux-mêmes, ont su servir leurs parents. Je n’ai jamais entendu dire qu’un homme ait su servir ses parents, après s’être perdu lui-même. Que de services n’y a-t-il pas ? Le service dû aux parents est le fondement de tous les autres. Que de choses ne doit-on pas garder ? La garde de soi-même est le fondement de toutes les autres. Tseng tzeu soignant son père Tseng si, ne manquait jamais de lui servir du vin et de la viande. Au moment de desservir la table, il demandait toujours à qui il donnerait les restes. Quand son père lui demandait s’il y avait des restes, il répondait toujours qu’il y en avait. Après la mort de Tseng Si ; Tseng Iuen donna ses soins à Tseng tzeu. Il ne manquait pas de lui servir du vin et de la viande. Mais, au moment de desservir, il ne demandait pas à qui il donnerait les restes. Quand son père lui demandait s’il y avait des restes, il répondait qu’il n’y en avait pas. C’est qu’il voulait les servir une seconde fois à son père. C’est ce qui s’appelle contenter la bouche et le corps de son père. Imiter Tseng tzeu, cela s’appelle contenter le cœur de son père. Servir ses parents comme Tseng tzeu, c’est vraiment bien.

« Quel est le plus important de tous les services ? C’est le service dû aux parents » ceci est certainement la façon de penser de Confucius. Pour lui le plus important, c’est « la bienveillance », la « piété familiale » est bien sûr importante, mais « si durant trois ans après la mort de son père, il imite sa conduite en toutes choses. » [18] cela suffit. Bien qu’il préconise : « durant la vie de vos parents, n'allez pas voyager au loin. » Du reste : « si vous voyagez, que ce soit dans une direction déterminée » [19]. Mencius sait aussi bien que « la bienveillance » est la plus importante, ainsi quand il parle de « cette affection (pour son père) [qui] prouve la bonté de son cœur. » [20] C’est de la bienveillance. La bienveillance, que Confucius soutient toute sa vie, c’est le chemin que prend Yan Yuan de : « vous vaincre vous-même, à recouvrer entièrement l’honnêteté du cœur » pour « trois mois entiers sans s’écarter » [21], un idéal de raison pratique suprême, qui trouve un intermédiaire dans la : « commisération » [22] chez Mencius pour devenir la piété filiale de :

Tous les hommes peuvent égaler Yao [un des cinq empereurs mythiques, environ 2200 av. J.-C.] et Shun [sage mythique du XXIIe s. av. J.-C.] [23].

Confucius s’en retournerait dans sa tombe.

De plus, quels que soient la commisération et le paradoxe immanent face aux proches, la source de la subversion de la base idéologique de Confucius se trouve implicitement chez Mencius dans les pensées sur le fait de servir les parents dans le Li Lou. Mencius parle des trois générations de père et fils de Zengzi [505-435 av. J.-C., connu pour sa piété filiale], mais dans Mencius, apparaissent plusieurs disciples sans pour autant qu’il en vienne à parler de son Maître Sizi. Ainsi savoir qui fut le maître de Mencius reste une énigme de l’Histoire. Nous obtenons par là la preuve que la pensée de Mencius concernant les services devant être rendus aux parents ne trouve pas son origine dans la piété envers un père.

De ce fait, elle ne peut que provenir de ce très clair « servir sa mère » toute une vie. Le texte présent montre que Mencius supporte la loi du Nom du Père transmise par la mère de Mencius et qu’il y a deux façons d’étudier. L’une c’est de vouloir étudier, l’autre c’est d’étudier pour sa mère. La philosophie de ce « servir la mère » est une preuve directe de l’étude pour la mère.



3    Le complexe de la mère de Mencius

Les paraboles de la mère de Mencius ainsi que l’expérience démontrée dans la philosophie des réactions de Mencius face à sa mère contiennent une spécificité dans le sens psychanalytique.


3.1    La mère-terre [déesse mère] et le phallus

La femme est le phallus, l’homme détient le phallus, c’est l’opinion lucide de Lacan de la définition homme-femme. La mère de Mencius face à Mencius et face à la réussite complète dans la relation mère-fils, réalise le dépassement de la loi du Nom du Père par le biais de la reconstruction subversive de la pensée confucéenne de Mencius dans la théorie de base. Bien que tout ce que dise la mère de Mencius tende à soutenir la loi du Nom du Père, dans la relation spéculaire qui existe forcément entre Mencius et sa mère, tout ce à quoi parvient la subversion de Mencius contient le désir inconscient de la mère de Mencius.


[24]

L’insistance de la mère de Mencius envers le Nom du Père part de ∀x Φx – cette règle inconsciente qui n’a pas de phallus et de toute une vie ne connaîtra pas de renoncement, c'est-à-dire ∃x-Φx n’ayant pas de femme, n’est pas un phallus. Cette logique de nature paradoxale dans l’expérience n’a pas émergé chez la mère de Mencius. La mère de Mencius comme personne réelle a subi la castration. C’est par le succès de Mencius, par le succès que Mencius a obtenu 1000 ans après sa mort, par la reconnaissance et l’estime, que la mère de Mencius a obtenue bien après un jugement positif : ∃xΦx, c’est le phallus. On peut l’analyser ainsi :

Lors du premier moment, la mère de Mencius soutient le Nom du Père, mais il existe un désir inconscient de dépasser le Nom du Père.

Lors du deuxième moment, Mencius développe de façon subversive la théorie de Confucius, ce qui constitue une réaction à l’influence véhiculée par la mère de Mencius en tant que hors du Nom du Père ; en même temps c’est l’identification du hors du Nom du Père envers la mère de Mencius.

Lors du troisième moment, Mencius expérimente une très longue histoire, et finit par être complètement reconnu comme sage par les élites intellectuelles. Le désir inconscient de la mère de Mencius peut se réaliser.

Si tout le processus ne fait que tourner autour du phallus, ce processus est clair et s’accorde au fil de l’Histoire. Revenant au point de départ, la mère de Mencius est une personne ayant reçu la castration, donc elle doit aussi avoir ressenti une angoisse de castration, une angoisse telle qu’elle a été transmise à Mencius ; Mencius qui devrait comme Confucius exprimer une insatisfaction telle que : « Je ne vois ni phénix arriver, ni dessin sortir du fleuve. C’en est fait de moi (de ma doctrine) » [25]. Mais Mencius est en fait un contre-exemple, et en plus c’est dans l’histoire du confucianisme un contre-exemple rarissime. Son : « dès l’âge de quarante ans, je n’avais plus aucune émotion. » [26] fait face au plus grand échec. Il quitte l’État de Qi à la mort de sa mère et dit à ses disciples « quel serait à notre époque le grand sage qui préparerait la restauration, si ce n’était moi ? ». Cette exclamation est à l’opposé des soupirs de Confucius.

Du reste, Mencius résout de façon plus approfondie le paradoxe entre la fidélité et la piété familiale :

T’ao Ing dit : « Lorsque Chouenn était empereur et Kao iao ministre de la justice, si Kou seou avait tué quelqu’un, qu’aurait fait Kao iao ? ». Meng tzeu répondit : « Il aurait simplement observé la loi. » — « Chouenn ne le lui aurait donc pas défendu ? ». « Comment Chouenn aurait-il pu le lui défendre, répondit Meng tzeu ? Kao iao avait reçu la loi de plus haut. ». « Alors, qu’aurait fait Chouenn ? ». « Chouenn, répondit Meng tzeu, aurait abandonné l’empire sans plus de regrets que s’il avait quitté une paire de souliers usés. Prenant son père sur ses épaules, il se serait enfui secrètement. Il aurait fixé sa demeure sur le bord de la mer, et vécu heureux et content, sans plus penser à l’empire. » [27]

Mencius parvient à résoudre le paradoxe, mais pas par la déduction de la dimension de la relation à autrui, ni par la bénévolence, la droiture, les rites, la connaissance ou la confiance. Mais c’est par l’introduction complète de la dimension personnelle pleine qu’il donne un sens de base à la dimension personnelle sans logique. Mencius est le premier grand penseur qui sous la logique du Yin et du Yang originaire de Chine place Yin et Yang presque à égal dans un système théorique. C’est l’introduction de cette dimension qui permet à Mencius lorsqu’il fait face au paradoxe obligatoire du monde (Yang) de conserver ataraxie et stabilité (Yin), avec presque même plus de stabilité. « Heureux et content, sans plus penser à l’empire » ceci n’est pas lié au système de règles du monde idéal confucianiste, c’est une expérience de joie qui ne dépend aucunement de choses extérieures.

Donc, entre mère de Mencius et Mencius, ce n’est pas seulement le phallus qui opère. Opère aussi ce que Huo Datong appelle la mère-terre. Cette opération ne dépend pas des paroles de la mère de Mencius, mais s’appuie sur les activités éducatrices de la mère de Mencius à l’égard de son fils. Ces activités trouvent leur manifestation typique dans tout ce que contient et montre la vie réelle de Mencius comme lors de l’achat de la viande pour nourrir Mencius petit.

Donc la mère de Mencius réalise le processus suivant :

- Lors du premier moment, la mère de Mencius maintient le Nom du Père. Dans la transmission de paroles elle est comme le père, détient le phallus ; hors du langage, les activités éducatrices de la mère de Mencius avec celui-ci, c’est la mère-terre.

- Lors du deuxième moment, à part la façon bénévolente de régner comme principe dont il se sert pour développer Confucius et pour répondre à la transmission du Nom du Père par la mère de Mencius, Mencius introduit de façon subversive une dimension personnelle basée sur l’expérience et dépourvue de logique – ce qui constitue une identification à tout ce que la mère de Mencius est de mère-terre, hors du discours.

- Lors du troisième moment, Mencius obtient finalement une reconnaissance complète et de ce fait la mère de Mencius est reconnue comme de nature de mère-terre.


La notion de mère-terre est une grande contribution de Huo Datong au développement de la théorie psychanalytique. Elle est présentée de façon similaire à la manière dont Lacan parle du phallus. De ce fait, les discussions directes lors de ses séminaires sont de rares chances. Comme Lacan, il utilise directement la notion de mère-terre permettant ainsi aux participants d’en saisir le sens. Afin d’éliminer la complète étrangeté de cette notion pour les collègues français, je vais énumérer quelques points essentiels de la notion de mère-terre.

1 La mère-terre est un développement de la notion de l’objet a. L’objet a est un trou qui absorbe uniquement ; or la mère-terre souligne une caractéristique de dégorgement. Les prototypes de cette notion sont le fantasme et les scènes de rêves de naissance et où le pénis émerge de la vulve.

2 Le sens littéral de cette notion, c’est aussi ce que cette notion souligne. Lorsque la mère éduque son enfant, n’existe pas seulement la séduction par le phallus, mais il existe aussi le pur désir d’éducation, le désir de parenté. Ces caractéristiques sont dégorgées du trou.

3 L’idéal correspondant au phallus c’est Dieu ; l‘idéal correspondant à la mère-terre c’est Guanyin.

4 L’opération du phallus, c’est l‘opération de la loi. L’opération de la mère-terre, c’est l’opération basée sur l’expérience de la non-loi. La mère-terre n’est pas sans loi, or c’est la loi de la personnalisation qui dès qu’elle émerge devient la nouvelle loi du phallus.

5 Tout ce que la notion de jouissance chez Lacan ne contient pas en matière d’expérience, comme par exemple l’expérience très particulière dans les religions et philosophie orientales, sont contenues dans la mère-terre.

6 La mère-terre se situe dans la logique orientale dualiste, elle opère en commun avec le phallus. S’engendrant et se restreignant l’un à l’autre, ils n’existent jamais seuls.


3.2    Un autre type d’Œdipe

Après les analyses et éclaircissements ci-dessus, il est visible que la relation réciproque entre la mère de Mencius et Mencius est à sa base de nature différente sous-jacente à la structure œdipienne.

1 Par comparaison avec la structure première du mythe d’Œdipe, le père de Mencius et le père d’Œdipe-Roi sont tous deux absents. La mère de Mencius et Mencius ainsi que Jocaste et Œdipe sont de même étroitement liés, mais, entre la mère de Mencius et Mencius n’existent pas de relation et de pulsions incestueuses basées sur le désir sexuel – le désir sexuel est éliminé du début à la fin.

2 Dans le complexe d’Œdipe, la relation sexuelle entre Œdipe et sa mère rejette la relation familiale avec le père. Pour la mère de Mencius et Mencius, c’est au contraire la relation familiale entre mère et fils qui rejette la relation de couple de Mencius. Mais ce rejet est uniquement immanent, la relation mère-fils est externe et contient la relation de couple.

3 Entre Mencius et la mère de Mencius n’existe pas avant l’introduction du Nom du Père la relation séductrice imaginaire. Le Nom du Père dès le début se trouve sur le corps de la mère de Mencius pour être transmis à Mencius. De ce fait, comme la pulsion incestueuse n’existe pas, la relation intime entre Mencius et la mère de Mencius n’aboutit pas à un sentiment de culpabilité causé par l’intervention du désir sexuel et n’a pas de castration secondaire.

4 Entre la mère de Mencius et Mencius existe aussi une relation imaginaire. Cette relation n’est pas liée au désir sexuel, elle est hors de la transmission du Nom du Père du discours de la mère de Mencius – une transmission de la mère-terre en action – cette transmission permet ainsi la symbolisation de la mère-terre après la réponse de théorisation de Mencius.

5 Dans le mythe d’Œdipe, le père mort est absent, mais ce père est du début à la fin la source de la loi. Œdipe et Antigone tous deux meurent dans le conflit immanent de la loi du Nom du Père ; la loi est centrale. Entre Mencius et la mère de Mencius, de même, du début à la fin les paroles reposent sur la loi, mais entre mère et fils il y a une opération hors de la loi. Cette opération a échoué dans la famille d’Œdipe mais chez Mencius elle établit sa position selon une nouvelle forme de loi : c’est l’opération de mère-terre correspondant au phallus.


3.3 Le complexe de la mère de Mencius

Toutes les paraboles de la mère de Mencius et de Mencius ainsi que les théories s’y rapportant sont des exemples typiques du complexe générationnel. Les relations intergénérationnelles qui sont relatives à la spécificité voire à la suprématie des relations sexuelles se révèlent sans laisser de résidu. De plus, selon la tradition de Freud, le complexe générationnel devrait être nommé le « complexe de la mère de Mencius ». (En ce qui concerne les détails du complexe générationnel nous pouvons nous référer à la thèse doctorale de Huo Datong.)

Dans les mécanismes du rêve et du symptôme, la métaphore est de nature importante. Une notion telle que celle du complexe d’Œdipe répond à partir de la théorie à l’expérience psychanalytique. En tant que métaphore, tous les drames de base contenus dans le mythe d’Œdipe englobent des expériences humaines nombreuses et complexes qui se basent sur le désir sexuel. Par la suite, Lacan introduit le mythe d’Antigone, la fille d’Œdipe, comme une partie du mythe d’Œdipe. La question du désir est aussi une partie du complexe d’Œdipe. Ainsi, l’explication du complexe d’Œdipe par Huo Datong comme un complexe sexuel est correcte, mais ainsi aussi elle perd sa caractéristique des plus importantes notions psychanalytiques. De même, le complexe générationnel reste ainsi une notion non mûrie.

Les paraboles de Mencius et de la mère de Mencius, les discussions à propos des théories s’y rapportant ainsi que leur dramatisation à un niveau élevé illuminent pleinement les caractéristiques métaphoriques du complexe générationnel. La similarité entre leurs structures de base et le mythe d’Œdipe évoque directement précisément la différence entre complexe générationnel et complexe sexuel. En vertu du système de pensée de Mencius, les paraboles de la mère de Mencius et le mythe d’Œdipe possèdent un sens symbolique élevé. La représentation figurée de la mère de Mencius est connue de tous les Chinois.

L’histoire d’Œdipe est une partie de la tradition des mythes de la Grèce ancienne ; toute la tradition mythique de la personnification de la Grèce est directement transmise dans la tradition des mythes chrétiens et perdure encore. La Chine est différente. Le confucianisme est la seule tradition culturelle orthodoxe. Les confucianistes croient dans le Ciel, ils se tiennent à distance respectueuse des esprits concrets. Les mythes confucéens sont des mythes d’humains et ne sont pas des mythes d’esprits. Peut-être que la mère de Mencius n’est pas la première personne incarnant typiquement le complexe générationnel, mais la mère de Mencius est la première mère Sage qui l’est devenue pour avoir éduqué un sage. L’accent mis sur l’importance de l’intergénérationnel commence aussi chez les confucianistes. Donc la mère de Mencius représente la première personne du complexe générationnel.

Donc, le complexe générationnel est le complexe de la mère de Mencius.

Dans le développement historique, le complexe d’Œdipe n’est pas seulement le complexe d’Œdipe, mais c’est aussi l’appellation de complexe d’Œdipe de père, mère, fils et fille, de complexe d’Electre, de complexe fraternel. C’est parce que la relation mère-fils est le point central dans le mythe d’Œdipe. En même temps, les deux autres complexes se manifestent aussi dans la série de la tragédie d’Œdipe. Les points entre Antigone et Œdipe, Antigone et son frère, ainsi que les deux frères d’Antigone sont des manifestations typiques du complexe d’Electre et du complexe fraternel.

Entre la mère de Mencius et Mencius n’existent que deux personnes, mais le père spirituel est toujours présent. Dans ses écrits, Mencius confirme plus avant le principe philosophique de la relation entre frères et entre père et fils. Si il n’y a pas de position de fille, c’est parce que la fille est le nom représentant le désir sexuel et donc qu’elle est éliminée de la tradition confucéenne. Ceci est aussi justement la partie que le complexe générationnel élimine. On voit que ce qui correspond aux trois grands complexes se réalise dans le complexe de la mère de Mencius.

Donc, le complexe générationnel est le complexe de la mère de Mencius. C’est justement à cause des évocations répétées de ce nom de « Yezi » que finalement il a associé à un autre « Huajing/Tige de fleur ». Quand Meimei avait 7 ans, étant déjà « avide de savoir », elle avait cueilli une tige de fleur dans le jardin de sa famille et l’avait insérée dans l’urètre afin de faire des recherches pour connaître le corps comme « qu’est ce qu’il y a dedans ? » et « Où cela mène-t-il ? ». Ensuite, ces activités eurent pour résultat que, quelques jours après, Meimei montra des symptômes tels qu’hématurie, fièvre, etc. Après être entrée à l’hôpital, les médecins ont diagnostiqué une inflammation aiguë. Durant le mois qu’elle a passé à l’hôpital pour guérir, les piqûres lui ont laissé un souvenir douloureux. Selon les prescriptions du docteur, elle n’a pas eu le droit d’utiliser le moindre grain de sel dans les aliments, ce qui constituait un événement de castration. Et ce qui a conduit Meimei à ne plus jamais oser faire de quelconques recherches sur le sexe.

En fait, le témoignage des essais de recherche sur l’urètre (ou le non-vagin) est apparu soudainement dans un fragment de souvenir sur un moment postérieur : un fragment de l’enfance de Meimei. Sur le chemin du retour vers la maison, en passant par un bâtiment en bois et voyant beaucoup d’eau s’écouler par les fissures du sol du bâtiment en bois, Meimei dit, très excitée, à son grand frère qui rentrait avec elle : « regarde, il y a quelqu’un qui fait pipi ! » Le grand frère lui a répondu : « tu es dévergondée je le dirai à maman. » Le mot de maman a fait soudainement passer Meimei d’un état de réjouissance à un état de panique. Dans la famille de Meimei, le père est une personne bonne, la mère est une enseignante, elle est relativement sévère envers les enfants. C’est la mère qui a la responsabilité du rôle d’éducateur. La mère règle presque toutes les questions ayant trait à l’éducation des enfants. Lorsque Meimei a évoqué la « question du pipi », cela a provoqué un état d’excitation, ce qui est, pour un enfant de trois quatre ans, quelque chose de très normal. C’est ensuite que le mot de « maman » a suffi pour créer une telle transformation chez Meimei. L’état de panique signifie qu’il y a un lien entre « pipi et sexe ». Chez la mère sévère, le voile sur le sexe amène une recherche solitaire, et provoque dans la dimension corporelle une castration réelle grave. Cette coloration sexuelle de l’organe excrétant trouve, sans aucun doute, par le biais d’un chemin compliqué dans l’événement de la « tige de fleur » une très bonne réponse.

En allant plus loin, dans le sens où la tige de fleur elle-même signifie l’organe génital de la fleur, pour Meimei qui, à cette époque, ne pouvait différencier le vagin de l’urètre, elle imite l’archétype de la relation sexuelle en cueillant une tige de fleur. Cette conduite a eu, ensuite, pour Meimei des conséquences graves. Dans la perspective de l’angoisse de castration chez Freud, c’est précisément cet événement qui met en lumière la raison pour laquelle Meimei ressent une extrême angoisse et un extrême intérêt quand elle est face aux masturbations des enfants. Ces raisons peuvent permettre de très bien comprendre l’angoisse de Meimei. Mais le chemin de l’inconscient est plus tortueux que ça. Comme le dit Freud, les associations libres nous conduisent à une autre scène.

Dans ce fragment apparemment brillant, par le biais de l’angoisse envers la mère, elle nous indique un sentier plus profond vers l’inconscient. Elle s’est souvenue de la situation où la maladie de la mère était devenue grave dans ses premières années. La mère ne pouvait que rester allongée sur le lit toute la journée ; c’était le père qui s’occupait complètement de son quotidien. Un jour, Meimei était assise sous la table, elle a pris dans ses bras le pied de la table à côté du lit et a pleuré : « Maman, tu ne dois surtout pas mourir. » La crainte et la peur face à la mère ainsi que l’angoisse de la mort de la mère manifestent l’intrication de l’amour et de la haine de Meimei. Et de tels sentiments intériorisés, en effet, se révèlent dans la dimension du « lit ». Dans des temps encore plus précoces, comme le père avait dû quitter la mère du fait de son travail, Meimei est allée vivre dans un endroit très éloigné. Entre l’âge de trois et quatre ans, Meimei et le père ont vécu ensemble. Un jour, Meimei et ses camarades sont arrivés chez les voisins d’à côté. Comme le chef de famille des voisins était médecin, certains enfants ont proposé de jouer au « médecin ». Alors, chaque enfant à son tour s’est allongé sur le lit, et a montré à tout le monde son organe génital. Après avoir regardé sans mot dire, chacun s’en est retourné chez lui en silence.

C’est précisément dans ces fragments de souvenirs, que se montre, effectivement, la relation des parents de Meimei. Ici, elle prend conscience, qu’entre les parents, il existe une relation sexuelle. En même temps, ce qui est montré par le jeu et est plus fréquent, c’est la relation de soigner et d’être soigné. Quand elle était petite, le corps de la mère souffrait de nombreuses maladies. Soigner la mère était un travail très important du père. À la maison, il y avait beaucoup de médicaments, jusqu’aux piqûres qui étaient faites par le père. Le rôle du père, c’est évidemment la réapparition de ce médecin, et la mère est celle qui a besoin de soins. Dans la période de l’inflammation, Meimei a reçu du père des soins et des dorlotements méticuleux. Cette relation a reproduit la relation entre père et mère de l’époque.

Ensuite, le souvenir de « mourir » a fait progresser la remontée des souvenirs de Meimei. Cet homme qui toute l’année soignait attentivement la mère a été choisi par la grand-mère maternelle, même si ce n’était celui qu’elle [la grand-mère] aurait préféré. La mère, sous la menace de « mourir » de la grand-mère maternelle, avait consenti à un tel mariage. Et plusieurs années après la mort de la grand-mère maternelle, la mère rabâchait encore sans arrêt : « si ta grand-mère maternelle était encore là, le mieux serait qu’elle vive avec nous. » Par le biais de l’union du mariage était ainsi obtenu le lien des générations, et en même temps il laisse réapparaître les circonstances des soins de la grand-mère envers la mère. Et la même chose s’est reproduite dans le mariage de Meimei. La mort de l’Autre (la grand-mère maternelle) est de cette façon gravée dans le souvenir des fantasmes éternels de Meimei.

Une chaîne de souvenirs nous oriente vers le cœur de l’histoire de Meimei, c’est la raison pour laquelle ces souvenirs sont profondément ancrés dans sa tête. Cela fait apparaître, pour nous, les faits qui se sont déjà déroulés ou qui ont été fantasmés en elle. Ou bien, c’est parce que Meimei occupe la position de la mère et répond aux appels de l’Autre. L’union du mariage avec cet homme identifié au père peut faire une construction circulaire complète au moyen des relations générationnelles de cette lignée. Cette structure est un lieu mort car la sélection de Meimei est continuellement fixée à cet endroit.

Nous ne pouvons pas éviter de nous demander pourquoi Meimei a choisi un nom tel que celui de Yezi/Feuille ici ? À part la métonymie entre Yezi/feuille et Huajing/tige de fleur, ici il y a aussi une métaphore. Yezi c’est l’autre nom utilisé dans le cas de la petite fille d’une tante paternelle de Meimei, et l’origine véritable de ce nom provient du nom de la nièce du précédent mari (qui était aussi son cousin plus âgé), ces deux filles portaient par hasard le même nom de famille Liu/saule. Et le port fin et souple des feuilles de saule est similaire à celui de la tige de fleur. La finesse des tiges de fleurs et la similitude avec les aiguilles nous conduisent aussi à voir la relation entre génération et sexe, qui est ainsi, une fois de plus, d’une manière très secrète introduite ici. La structure de la famille de Yezi et de celle de Meimei montre des relations très semblables, il y a dans chacune une mère très sévère. Dans la relation entre enfant et mère, les traces des soins et de la satisfaction sont très nettes. Lacan a dit : « …la jouissance masturbatoire ici n’est pas la solution du désir, elle en est l’écrasement, exactement comme l’enfant à la mamelle dans la satisfaction du nourrissage écrase la demande d’amour à l’endroit de la mère. »

Ensuite, c’est précisément par le biais de l’interdit d’une telle masturbation que l’enfant et la mère de nouveau sont fermement collés ensemble.

Cette recherche sur ses origines propres a entraîné une grande maladie, et ainsi elle a bâti son propre mythe personnel. Certes, on peut aussi voir ici très clairement, comme Dolto le soulignait, que la complémentarité, l’amour et la naissance chez les deux sexes doivent tous être dits, sinon l’enfant pourrait prendre le chemin des recherches, seul, ce qui pourrait entraîner frustration et échec. C’est justement aussi parce que ces vérités non-dites peuvent devenir les facteurs causant la névrose et les malaises corporels de l’enfant plus tard.




 

Analyse de la mère de Mencius


Wang Liang

王亮


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[1] Sima Qian, Mémoires Historiques, biographie historique de Mencius et Xun Zi, Han occidentaux.
























































[2] Zhou Guosong, Étude Critique de la Mère de Confucius « Yan Zhengzai », Journal de l’Université de Suzhou, 1997 (2).




[3] Wang Zengyu, À propos des légendes sur le tatouage « se sacrifier loyalement pour le pays ». de Yue Fei et le tatouage dans le dos de la mère de Yue Fei, Connaissance culturelles et historiques, 2007 (5).










































































[4] Han Ying, Biographie In officielle sur le mode du Canon des Poèmes, Chapitre Neuf, Han occidentaux.


















































































[5] Des Femmes Intègres : chapitre sur les rites des mères.





































[6] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Neuf, Zhou orientaux/Printemps & Automne.

[7] Sima Qian, Mémoires Historiques, Famille de Confucius, Han occidentaux.
















































[8] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Seize, Zhou orientaux/Printemps & Automne.
























































[9] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Quinze, Zhou orientaux/Printemps & Automne.


[10] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Douze, Zhou orientaux/Printemps & Automne.




[11] Foucault, Histoire de la sexualité, vol. 2 l’usage des plaisirs, Traduction de She Biping, 1984









[12] Mencius, Mencius : De tout cœur (2), Zhou orientaux/Royaumes combattants.

















































































[13] Mencius, Mencius : Gongsun Chou (2), Zhou orientaux/Royaumes combattants.





























































































[14] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Trois, Zhou orientaux/Printemps & Automne.






[15] Sima Qian, Mémoires Historiques, Famille de Confucius, Han occidentaux.









[16] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Onze, Zhou orientaux/Printemps & Automne.






































[17] Mencius, Mencius : Roi Liang Hui (2), Zhou orientaux/Royaumes combattants.




























[18] [19] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Deux, Zhou orientaux/Printemps & Automne.


[20] Mencius, Mencius : Gaozi (2), Zhou orientaux/Royaumes combattants.


[21] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Six, Zhou orientaux/Printemps & Automne.


[22] Mencius, Mencius : Gaozi (1), Zhou orientaux/Royaumes combattants.


[23] Mencius, Mencius : Gaozi (2), Zhou orientaux/Royaumes combattants.














































[24] Lacan J. (1972-1973). Encore, Le Séminaire livre XX, Paris, Éd. du Seuil, 1975.
























[25] Confucius, Entretiens de Confucius, Chapitre Neuf, Zhou orientaux/Printemps & Automne.


[26] Mencius, Mencius : Gongsun Chou (1), Zhou orientaux/Royaumes combattants.
















[27] Mencius, Mencius : De tout cœur (1), Zhou orientaux/Royaumes combattants.









Les traductions du Chinois Classique (de Confucius et de Mencius en particulier) sont de S. Couvreur.

Traduction de Violaine Liebhart

Entre [ ] sont les commentaires de la traductrice