À propos de ce qu’il y a de chinois
dans les séminaires de Lacan
Guy Sizaret
À propos de ce qu’il y a de chinois
dans les séminaires de Lacan
Guy Sizaret
D’un discours qui ne serait pas du semblant
10 mars 1971 à voir par ici
Dans l’édition du Seuil du séminaire XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, page 86, on trouve ceci :
Pictogramme, idéogramme, quel qu’il soit, si nous étudions une écriture, c’est uniquement en ceci — il n’y a aucune exception — que, du fait de ce que cet écrit a l’air de figurer, il se prononce comme ça.
恶
wu
Du fait qu’il a l’air de figurer votre maman avec deux tétines, il se prononce wu. Et après ça, vous en faites tout ce que vous voulez. Tout ce qui se prononce wu, qu’est-ce que ça peut foutre, qu’il ait deux tétines et qu’il soit votre maman en figure ?
Lacan a émaillé son séminaire de petits bouts de chinois, surtout pendant l’année dont nous avons vu paraître tout dernièrement la transcription. L’un de ses propos est de contester l’idée qu’une lettre chinoise soit une figure représentative (il en a d’ailleurs dit tout autant des cailloux du Mas d’Azil) et pour l’illustrer, il évoque le caractère qui se prononce [mou] (= le pinyin mǔ). Ce n’est pas, dit-il, parce qu’il représente votre maman avec des tétines (c’est en effet ce qu’on dit de 母 : 女 plus deux丶qui représentent des seins) que ce n’en sera pas moins le support de la forme phonique [mou] et que vous pourrait le reporter sur tout ce qui se dit [mou]. Ce n’est pas l’exemple le mieux choisi pour illustrer le procédé 形声 xíngshēng.
L’amusant cependant tient à ce que la transcription, donnée pour ce qui doit faire foi, perpétue l’erreur acoustique qui a fournit l’écriture phonétique [wou] (pinyin wu). Dés lors, on n’a pas trouvé mieux que d’en donner l’écriture 惡 comme la plus plausible. Quand on sait qu’à ce terme sont suspendues deux significations qui évoquent un corps déformé et l’état nauséeux, un psychanalyste ne manquerait pas d’apercevoir de quelle représentation de la mère il s’agit, qu’on la tienne de fantasmes archaïques ou d’avoir beaucoup cultivé Sartre !