Séminaire du 16 décembre 2010




Les relations sexuelles sont au fondement de toutes civilisations humaines en particulier.


Il n’y a pas de rapport

Bien que

Ils existent des relations


La formule fait flores dans la langue lacanienne : il n’y pas de rapport sexuel.

Rapport ici à entendre comme écrire une mathésis universalis de la différence entre la jouissance féminine et la jouissance masculine. Jouissance faut-il le préciser jouissance des corps.

Cette formule devient le rapport ne cesse pas de ne pas s’écrire en formule logico-mathématique, obstacle majeur donc à la prétention de produire une science exacte de l’incommensurabilité de la différence des jouissances.


Il s’agira d’étendre la formule à d’autres vocables séparés :

    Le corps et l’esprit.

    Éros et Thanatos.

    La mère et le fœtus.


Il y a donc des relations sexuelles aussi bien en Occident qu’en Chine. La différence est qu’en Occident il n’y a pas de rapport. En Chine la question ne se pose pas car il n’y a pas de développement d’un monothéisme créateur, et donc pas de développement de la science modèle occidentale.

Il y a aussi bien une séparation du corps et de l’esprit : Shen jingshen 精神, mais en Occident on peut dire il n’y a pas de rapport de cette relation elle aussi incommensurable. Comment en Chine donc comment parle-t-on et écrit-on cette relation ?



La série spinoziste


Il n’y a de corps qu’affecté par d’autres corps et donc de corps affectant d’autres corps. Ce corps affecté est support de traces dans sa partie molle (les autres parties sont le liquide et le dur), sur la « surface de la partie molle » s’inscrivent les traces de l’affectation, les traces deviennent images, produisant l’imagination et des signes. On voit là la question du passage du corps ainsi défini à l’esprit (les idées).


Spinoza s’arrête au signe et ne va pas jusqu’au signifiant/signifié.


Le corps du fœtus est un corps affecté par d’autres corps celui de la mère en particulier, réciproquement le corps de la mère est lui aussi par définition en retour affecté.


Par l’assertion : il n’y a pas de rapport sexuel J. Lacan met un point d’arrêt à la prétention de la science d’annexer l’humain : il n’a pas de sciences humaines. Cependant, l’usage de la raison produira les philosophies de la nature.


Le corps est donc porteur d’un savoir dont le passage dans l’ordre des idées reste à travailler à partir de Spinoza jusqu’à J. Lacan en passant par Pierce, c’est-à-dire aussi passage du signe au signifiant/signifié.


Pour ce qui concerne la Chine il importe de faire référence à deux citations de J. Lacan.


1.

C'est pas mal une langue comme ça, une langue où les verbes, enfin les verbes les plus verbes : agir, qu'est-ce qu'il y a de plus verbe, qu'est-ce qu'il y a de plus verbe actif, se transforment en menues conjonctions, ça, c'est courant.

Cela m'a beaucoup aidé quand même à généraliser la fonction du signifiant, même si cela fait mal aux entournures à quelques linguistes qui ne savent pas le chinois. Moi, je voudrais bien demander à un certain, par exemple, comment pour lui, la double articulation, ce qu'il fait… enfin la double, depuis des années, la double articulation, on en crève ! La double articulation : qu'est-ce qu'il en fait en chinois ? hein !

En chinois, voyez-vous, c'est la première, et toute seule, et puis qui se trouve comme ça produire un sens qui de temps en temps fait que, comme tous les mots monosyllabiques, on ne va pas dire qu'il y a le phonème qui ne veut rien dire et puis les mots qui veulent dire quelque chose : deux articulations à deux niveaux.

Même le phonème, au niveau du phonème, ça veut dire quelque chose. Cela n'empêche pas que quand même quand vous mettez plusieurs phonèmes qui veulent déjà dire quelque chose ensemble, ça fait un grand mot de plusieurs syllabes, tout à fait comme chez nous, et qui a un sens qui n'a aucun rapport avec ce que veulent dire chacun des phonèmes.

Voilà ! Alors la double articulation, elle est marrante, là. C'est drôle qu'on ne se souvienne pas qu'il y a une langue comme ça, quand on énonce comme générale une fonction de la double articulation comme caractéristique du langage.

(Lacan J. (1971). D'un discours qui ne serait pas du semblant,

Le Séminaire livre XVIII, Paris, Éd. du Seuil, 2006. p. 47.)


2.

Tout cela n’est que semblant et source d’erreurs. La caractéristique propre à l’intention freudienne où se situe ce désir en tant qu’il apparaît comme un objet nouveau pour la réflexion éthique, consiste en ceci : le propre de l’inconscient freudien est d’être traduisible et même là où il ne peut être traduit, c’est-à-dire à un certain point radical du symptôme, nommément du symptôme hystérique, comme étant de la nature de l’indéchiffré, donc du déchiffrable, c’est-à-dire de n’être représenté dans l’inconscient que de se prêter à la fonction de ce qui se traduit.

Ce qui se traduit, techniquement, c’est ce qu’on appelle le signifiant. C’est-à-dire un élément qui a ces deux propriétés, ces deux dimensions, d’être lié synchroniquement à une batterie d’autres éléments qui lui sont substituables ; d’autre part, d’être disponible pour un usage diachronique, c’est-à-dire la formation d’une chaîne, la constitution d’une (167) chaîne signifiante. Voilà.

Il y a dans l’inconscient des choses signifiantes qui se répètent, qui courent constamment à l’insu du sujet. Quelque chose d’imaginé, ou de semblable à ce que je voyais tout à l’heure, en me rendant dans cette salle, à savoir ces bandes lumineuses publicitaires, que je voyais glisser au fronton de nos édifices. Ce qui les rend intéressantes pour le clinicien c’est qu’elles trouvent, ces chaînes, à se faufiler dans des circonstances propices, dans ce qui est foncièrement de la même nature qu’elles, à savoir notre discours conscient au sens le plus large, à savoir, tout ce qu’il y a de rhétorique dans notre conduite, c’est-à-dire beaucoup plus que nous ne croyons. Et vous le voyez, je laisse ici de côté la dialectique.

Là-dessus vous allez me demander qu’est-ce c’est que ces éléments signifiants. Je répondrai : l’exemple le plus pur du signifiant c’est la lettre, une lettre typographique.

(Bruits divers) Une lettre cela ne veut rien dire. Pas forcément. Pensez aux lettres chinoises pour chacune desquelles vous trouvez au dictionnaire un éventail de sens qui n’a rien à envier à celui qui répond à nos mots. Qu’est-ce à dire ? Qu’entends-je en vous donnant cette réponse ? Pas ce qu’on peut croire. Puisque ceci veut dire que leur définition aux lettres chinoises tout autant que celles de nos mots, n’a de portée que d’une collection d’emplois et, qu’à strictement parler, aucun sens ne naît d’un jeu de lettres ou de mots qu’en tant qu’il se propose comme une modification de leur emploi déjà reçu.

[…]

Quand on vient entendre un psychanalyste, on s’attend à entendre, une fois de plus, un plaidoyer pour cette chose discutée, qu’est la psychanalyse ; ou encore, quelques aperçus sur ses vertus, qui sont évidemment, comme chacun sait, en principe, de l’ordre thérapeutique.

Lacan J. (mars 1960), Conférence de Bruxelles sur l’éthique de la psychanalyse,

in Revue de l’École belge de Psychanalyse, N° 4, p. 163-187,1986



La psychanalytique comme cure aurait finalité thérapeutique, malgré qu’il existe l’autre étymologie qui oriente vers la curiosité ce vilain défaut.



                   

Vous trouverez par ici un article très utile pour notre séminaire. L'auteur traite en interaction la notion de corps en tradition occidentale et en tradition chinoise. La question chinoise est pour moi très instructive, mais par contre pour la tradition occidentale j'émets des réserves. Certes le titre indique très clairement qu'il s'appuie sur la phénoménologie et en avance les apories. Mais la phénoménologie n'est pas la totalité de la tradition occidentale, il ne faudrait pas ignorer l'apport de Spinoza qui dans la modernité va s'inscrire comme rejoignant les travaux de Deleuze, Derrida, J.-P. Sartre et non des moindre pour ce qui nous concerne J. Lacan.





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