INTRODUCTION

La modernité est face à un défi. Face, en fait, au défi né de sa propre puissance, de ses propres caractéristiques, de ses propres contradictions. Les voies défrichées, explorées, exploitées depuis la naissance de l’esprit scientifique occidental ont simultanément prouvé leur efficacité à courts et moyens termes et leur non-viabilité à long terme. Les épistémologies classiques, légitimes dans leurs espaces propres, valides en elles-mêmes, butent à présent sur leurs propres limites à appréhender les systèmes complexes, interactionnistes, multiréférentiels et non-linéaires. C’est à partir de ce point d’achoppement que prend forme la pensée transdisciplinaire. Je ne reprends pas ici la genèse de la transdisciplinarité et renvoie à l’ouvrage Transdisciplinarité et formation (Pineau G, Paul P. 2005). Cependant je reprendrais quelques points qui formeront le cadre du présent propos.


Gaston Pineau distingue trois niveaux différents de la transdisciplinarité :

  1. -La transdisciplinarité socio-intéractive, qui ouvre la recherche à des éléments non-disciplinaires.

  2. -La transdisciplinarité réflexive, qui vient interroger les cadres de pensée et ouvre sur des structures méta-disciplinaires, dégageant simultanément un en deçà et un au-delà des disciplines

  3. -La transdisciplinarité paradigmatique, visant à la création de nouvelles épistémologies, méthodologies et paradigmes permettant à la fois d’intégrer, de dépasser et d’unifier les démarches disciplinaires.


Notre travail se situe au niveau des recherches transdisciplinaires réflexive et paradigmatique. Dans ce double cadre qui interroge les systèmes de pensée et cherche une nouvelle épistémologie, je dégagerais trois grands axes, trois objectifs :


  1. 1.Interroger phénoménologiquement le vécu expérientiel du corps et les dialectiques paradoxales, forme imposée/forme spontanée/vide de forme, à travers la pratique des arts traditionnels du mouvement en Chine.

  2. 2.Interroger les a priori conceptuels portés par la culture occidentale dans la construction de ces notions, par une mise en perspective avec la culture non duelle chinoise. Ce deuxième point a pour visée de se dégager des approches fondées sur les logiques d’exclusion, pour approcher des logiques/expériences fondées sur l’intégration du paradoxe.

  3. 3.Enfin, participer par ce biais à l’élaboration d’un champ logique permettant d’approcher les différents niveaux de complexité des dialectiques formel/non formel/informel.


L’ensemble de ces objectifs sont reliés à la problématique suivante : Est-il possible de penser l’articulation organique et complexe entre formel, non formel et informel avec des outils conceptuels chargés de l’a priori de la dualité ?


Ce travail postule que l’approche occidentale « classique », unidisciplinaire et réductionniste ne permet pas de se dégager de la dynamique paralysante des contradictions et paradoxes.

L’hypothèse de travail consiste alors à interroger des notions et des pratiques centrales de la culture chinoise pour voir en quoi celles-ci portent en elles des virtualités d’apprentissage permettant de dégager une méthodologie et un paradigme transdisciplinaire, concernant les espaces du formel et du non-formel.

Cette approche ne se situe pas dans une opposition binaire et frontale entre orient et occident, mais plutôt dans une recherche d’unité tensionnelle entre des approches ne plaçant pas le positionnement des problèmes sur les mêmes plans. Il en résulte un repositionnement épistémologique en terme de formation et d’enjeu du savoir. Je postule la possibilité de créer des ponts, passerelles, entre-deux, autorisant à penser les dialectiques complexes et contradictoires qui sont en jeu dans les pratiques d’autoformation.



1 - CORPS ET LOGIQUES DUELLES


C’est à travers l’exploration des concepts et expériences du corps-propre que nous interrogerons les dialectiques formel/non-formel. Car (je cite ici Dominique Bachelard) « s’il est en effet une chose d’identifier intellectuellement l’intérêt de s’émanciper du système de représentation binaire du monde et de la logique du tiers exclu, il est autrement plus difficile de s’éduquer à une logique contradictoire et à se laisser guider dans les mouvements d’actualisation, de potentialisation des phénomènes et, à travers la prise de conscience de nos contradictions, d’aller vers le sentiment d’une unité des antagonismes. » (Bachelard, 2005).


Ce concept même de corps, le mot même de corps, porte avec lui un ensemble d’a priori trop peu interrogés. Par ce terme unique, univoque, la pensée occidentale découpe la réalité de l’expérience subjective « d’être vivant ». De fait, en objectalisant cette unité « corps », la pensée a pu s’en emparer, la disséquer, la comprendre, la contrôler, à un certain niveau. Le corps condense, compacte en un unique terme tout l’objectif, le mécanique, le visible. Par là même, le corps devient un objet, objet d’étude, de savoir ; un objet extérieur doté d’une existence autonome. Il se détache de ce qui fait le sujet vivant, de l’expérience unitive de l’individu (étymologiquement : qui n’est pas divisé). Il devient un véhicule, une étendue spatiale objective et géométrique. Le terme même de corps induit autoritairement un schisme entre une réalité corporelle matérielle et une autre réalité que l’on peut nommer âme, esprit, psyché, siège, elle, du subjectif, de l’insaisissable. La rupture corps/âme, ou pour sacrifier à la modernité qui aime faire retour au grec pour éviter les connotations chrétiennes du latin, le schisme soma/psyché induit de façon à la fois subtile et massive l’idée d’un corps univoque, monolithique, l’idée d’un corps qui est « posé-là », le même pour chacun et qui ne prend sens que dans son opposition conceptuelle à l’âme, elle qui, depuis Aristote, anime la matière en elle-même inanimée, inerte.

Le corps en Europe se constitue en « terme insulaire, sans rival ni synonyme » (Julien, 2005). Et en effet, on peut bien chercher en vain des synonymes au mot corps. Les tentatives modernes de dépasser ce schisme ne sont que des aveux d’incapacité à en sortir. Le terme de psychosomatique, la pulsion freudienne et jusqu’au corps-propre de Merleau-Ponty ne font qu’entériner et valider cette univocité massive du concept occidental de corps qui, dans le dualisme qu’il installe, empêche de penser la complexité.

La logique duelle qui préside à l’approche du corps en Occident exclut les nuances qui permettraient de l’appréhender plus transversalement. Elle impose un cadre de pensée qui bloque, grâce à l’utilisation des termes univoques, toute possibilité de sortir du cadre pré-requis. Il ne faut cependant pas sacrifier à la logique binaire concernant l’approche de la logique duelle en la posant en terme unique face à une logique non-duelle qui reste à définir. Je dégage ici plusieurs figures de la logique duelle qui évoluent différemment à l’intérieur du même cadre de pensée.

  1. -La logique disjonctive (A ou B),

  2. -La logique oscillatoire (A puis B), dans laquelle la pensée va d’un terme à l’autre, en alternance, sans penser leur unité tensionnelle. Elle implique un temps linéaire.

  3. -La logique adversative (A contre B) ou d’opposition.

  4. -La logique confusionnelle, qui ne choisit pas, à l’intérieur d’un cadre qui impose le choix. Cette dernière est une logique du magma, fusionnelle, indifférenciée. Logique dans laquelle versent souvent les tentatives d’approche psychosomatique.


Ces figures de la logique duelle permettent, de fait, de penser différents rapports entre, corps ou âme, corps puis âme ou corps et âme, mais jamais le couplage des termes univoques n’est remis en question par ces rapports. Les changements interviennent entre les éléments d’une même classe, mais pas au niveau de la classe même. Ces différentes figures de la logique duelle ont pour dénominateur commun un positionnement de deux blocs massifs entre lesquels un unique mode de relation est possible dans un même temps. À l’intérieur de ces logiques de la dualité univoque, la dialectique entre le formel et le non-formel ou entre le formel et l’informel ne fait que conjuguer différemment le même thème, selon les modes de la disjonction, de l’oscillation, de l’adversité ou de la confusion.

Il nous faut donc accomplir un deuil et abandonner le terme de corps ou de forme, pour pouvoir les penser selon des logiques différentes qui peuvent rendre compte de la complexité et de la plurivocité. Il ne faut cependant pas abandonner ces logiques duelles qui permettent de penser certains rapports. Il ne s’agit donc pas d’entrer dans une logique de la non-dualité qui se situerait hors du champ de la dualité, mais bien plutôt d’élaborer une logique qui dépasse, en intégrant et traversant, les figures binaires. Pour ce faire nous emploierons le terme de trans-duel.

Nous posons qu’il est impossible de penser l’articulation complexe, organique et paradoxale entre corps et psyché, entre formel et informel, avec des outils conceptuels qui imposent par leur usage des logiques de la dualité. Comment alors penser ces dimensions du complexe quand le langage même nous conditionne et nous enferme ?

C’est ici que la décentration par un autre langage, un autre cadre de pensée, une autre culture peut s’avérer utile, voire, nécessaire.



2 - XING  : LA PENSÉE DE LA FORME ET DU CORPS EN CHINE


Le chinois ancien possède plusieurs termes voisins qui recoupent ce que nous nommons de façon univoque par corps, en Europe. Ces termes sont souvent présentés en binômes ou en triades articulées. Par exemple xing (qui indique plutôt la forme actualisée), ti (indiquant plutôt l’être constitutif), shen (plutôt le moi personnel). Ou encore la triade xing , qi (le/les souffles-énergie), yi (l’intention, l’attention).

Il est strictement impossible de traduire “corps” par un terme, un concept unique équivalent en chinois. Mais plutôt que de penser que la Chine n’a pas accédé au concept de corps pour en rester à des appréhensions empiriques manquant de rigueur et d’universalité, inversons la perspective pour voir en quoi l’approche chinoise permet de repenser ce cadre par l’occident admis.

La réalité complexe du vécu corporel, de l’expérience vivante du corps ne prend forme que dans les recoupements, les chevauchements, le tissage des nuances des différents termes chinois. Par ce biais, la pensée chinoise déploie un paysage conceptuel, ou plutôt notionnel, mouvant, impressionniste, évolutif, nuancé et dynamique. Le corps est approché comme une structure fluide, multivoque, dissipative et arborescente.

Dans l’ensemble des termes chinois relatifs au concept de corps, celui de xing revient le plus fréquemment. Si un Chinois ancien veut dire l’équivalent de « mon corps » il dirait wo xing 我形, littéralement moi•forme-actualisée. Enfin, s’exclame le désir identitaire, un terme unique et stable qui permettrait de revenir dans le champ connu fixe et rassurant des logiques duelles. Hélas, ou heureusement, le terme xing lui-même est à large spectre et porte tout un nuancier sémantique empêchant de le faire coïncider au concept de corps.

Xing désigne à la fois et selon le contexte :

  1. -La forme, l’aspect

  2. -L’ombre, la silhouette

  3. -La forme corporelle, l’apparence sensible

  4. -Le fait de donner forme à l’informe (par les souffles qi et l’intention yi). La configuration visible, expression de l’intime dont elle émane.

  5. -Le visage

  6. -Le fait d’apparaître, se manifester, prendre forme, se former

  7. -Le moule, mouler.


Il est impossible de sélectionner un terme, une définition en éludant l’ensemble du nuancier. Le terme xing est cet ensemble de significations proches qui se chevauchent et prennent sens dans la teneur intensive sous-tendant les éléments de cette mosaïque sémantique. Les logiques duelles ne peuvent tolérer cette polysémie et n’ont d’autre choix que de la classer dans la catégorie de la confusion/indistinction. Il faut un saut qualitatif à un autre niveau logique pour appréhender cette complexité sans la réduire.

Nous dégageons ici une première figure de logique trans-duelle permettant d’approcher ce que désigne xing : la logique de la sédimentation.

La sédimentation des nuances de sens permet de conserver, à différents niveaux d’intensité, l’ensemble des subtilités du terme. Elle est associée à ce que j’appellerais les logiques de mastication, de digestion réflexive et à la logique de fulguration intuitive. Je décrirai plus avant ces pratiques dans la troisième partie qui analyse les pratiques traditionnelles de formation chinoises.

Il nous reste ici à faire le lien avec les dialectiques formel/informel.

La forme actualisée xing prend sens avec le nuancier sémantique des sens adjacents, mais également en tension avec le non-actualisé ou sans-forme ou vide de forme. Ce va et vient, cette interaction entre forme actualisée/non actualisée décrit en chinois la vie individuelle et le va-et-vient vie/mort. La vie individuelle est ce mouvement entre sans forme / forme actualisée / retour au sans forme.

Bien sûr ce thème cyclique permet de lire une vie humaine de la naissance à la mort comme l’actualisation et la dispersion continue d’une forme, ce cycle ternaire actualisation de la forme/dispersion de la forme/ retour au sans forme, se retrouve également à l’intérieur de cycles de vies plus courts et donne sens à tous les phénomènes d’apprentissage et de formation. À l’échelle d’une histoire, d’une trajectoire de vie, on peut décrire l’ensemble du vécu comme l’actualisation générale d’une forme articulant au sein d’elle-même des processus multiples de mise en forme et de dispersion.


Dans cette perspective le terme de formation désigne l’essentiel d’une trajectoire humaine. Être humain, c’est mettre en réseau, à l’intérieur même d’un vaste mouvement d’actualisation d’une forme, différents mouvements de formation (mouvement yang) et de dissipation, de déformation (mouvement yin).

Ce que l’occident désigne par mon corps devient ici un processus dynamique d’actualisation particulier et continu, bien que rythmé, qui de fait, me constitue entièrement.

Ici réside l’identité. Mais une identité qui perd toute connotation identitaire et substantielle, toute stabilité fixant la durée. En deçà et au-delà de xing, du processus qu’est xing, on trouve seulement un sans forme, un indifférencié, sans contour, abyssal et informe.

Il n’y a pas ici d’arrière-fond, pas d’ontologie, pas d’être-en-soi en lequel peut s’enraciner et se sécuriser au plan le plus fondamental la forme actualisée. Pas de matière qui formerait le substrat du réel mais une dynamique de matérialisation continue, pas de forme fixe (en acte) mais un processus de formation continue, de forme s’actualisant, par un double mouvement de ploiement / déploiement.



3 - ANALYSE DE PRATIQUES DE TRANSMISSION


Cette mise en mouvement continue des processus de formation (terme bien sûr utilisé ici simultanément dans son sens le plus étymologique et le plus moderne) (et c’est simultanéité même des sens qui fait sens), se touche du doigt dans tous les arts traditionnels chinois : peinture, calligraphie, arts martiaux, poésie, médecine.

Dans les arts du mouvement, l’apprentissage se fait par « la pratique des formes ». La forme codifiée, qui vue de l’extérieur présente un flux continu de mouvements divers, est appelée indifféremment duan (enchaînement, série), bu (pas, posture) ou dao (chemin, cheminement, voie). L’apprentissage impose une forme au xing qui doit trouver à travers la répétition inlassable des mêmes gestes, le chemin du mouvement naturel. Dès les premiers pas, l’adepte est confronté à cette tension paradoxale entre forme imposée, codifiée et mouvement naturel, forme spontanée. Ce n’est que lorsque cette tension n’est plus vécue comme une contradiction-impossibilité, sur le mode du déchirement, mais est intégrée dans une perception-sensation unitive et compréhensive que la forme (dao, duan) est digérée, assimilée.

Simultanément à ce travail de perception vécue des logiques paradoxales, le lent apprentissage d’une forme devient l’actualisation et l’expression vivante du processus de déploiement/ploiement précédemment étudié. Vu de l’extérieur, le pratiquant part d’un vide de forme, de l’immobilité, puis met en mouvement progressivement l’énergie i.e. déploie un engendrement de formes de plus en plus variées et complexes, pour faire retour à la simplicité du sans-forme, à l’immobilité. Le sans-forme est ici perçu comme l’état de vide qui contient en lui l’ensemble des potentiels d’actualisation des formes. La pratique d’une forme exprime, déploie et actualise le processus d’actualisation/potentialisation (Lupasco, 1986). Elle est en fait un résumé de la dynamique de la vie. C’est le symbole, presque le rite, qui simultanément exprime et constitue le mouvement paradoxal du Yin/Yang, déployant les formes et retournant au vide.

Dans la transmission traditionnelle chinoise, la forme s’actualise en pratiquant, i.e en s’exerçant continûment à la mise en forme du dynamisme vital. Au sein de la pratique et au fil des années, on découvre un travail infiniment subtil et délicat des dynamiques du mouvement. On éprouve les ressorts paradoxaux qui mettent en mouvement et en forme certaines énergies. Ce travail se fait par une attention qui devient de plus en plus sensible aux nuances, aux subtilités de l’éprouvé « corporel-énergétique ».

C’est par cet apprentissage, cette formation de la subtilité sensible qu’est perçue dans l’éprouvé-expérience, la coexistence simultanée de différents niveaux de perceptions, de réalités.

La perception des niveaux de réalité, qui forme un des axes de la transdisciplinarité, va de paire, doit aller de paire avec un sens du subtil.

C’est dans le jeu des nuances qualitatives et intensives que les passages entre niveaux de perception, de compréhension, s’opèrent et opèrent.

Mais la pratique de la forme n’est pas le seul élément de la transmission. Elle se couple dans les faits à l’étude, à la « scrutation patiente » des idéogrammes liés à la pratique (tels xing, qi ). La mastication, la rumination, la digestion des différents sens de la notion, de ses nuances, des images qu’elle évoque, fait partie intégrante de la pratique traditionnelle. Ainsi se sédimentent les différents niveaux de sens de la notion, de l’idéogramme. Par cette logique, est dépassée l’extériorité du mot et du concept (que nous décrivions au début à propos du corps). Par la vertu de la répétition, par une logique de l’enroulement, la complexité nuancée de la notion, s’imprègne, se dépose et s’intègre au processus de xing. Cette assimilation aboutit à l’éclosion et au mûrissement d’un état de conscience qui rend manifeste les différents niveaux de sens sans qu’il soit nécessaire de les formuler en mots. Plutôt qu’avoir ou apprendre une notion, le pratiquant est imprégné, formé par elle.

C’est dans cette lenteur spiralée des logiques de l’enroulement et de la sédimentation que jaillit une autre logique trans-duelle : la fulguration intuitive. La fulguration n’apparaît pas hors contexte.

Ces deux logiques, sédimentation/fulguration, forment un binôme intensif et paradoxal. La fulguration intuitive du sens intervient en contre-balancement tensionnel de la sédimentation du xing.


La compréhension vécue, à travers la pratique des formes, de la complémentarité de ces deux logiques ouvre à une logique paradoxale de l’équilibre tensionnel et de l’antagonisme dynamique (Wunenburger 1990).


À travers la logique de l’équilibre tensionnel, la compréhension du centre s’en trouve transformé. Le centre n’est plus ici le point central d’une ligne, le juste milieu qui se tiendrait à l’écart des contradictoires, ou qui oscillerait de l’un à l’autre, mais bien une troisième dimension née de la tension entre deux pôles intensifs. Le centre de la logique paradoxale, peut être compris comme l’élévation verticale du point central de façon à former un triangle. Le sommet du triangle à la fois, tient, contient et intègre les opposés. C’est la dimension verticale qui donne la solution à la contradiction horizontale, Dans une logique du paradoxe, les contraires sont vécus simultanément grâce à la perception des niveaux d’intensité. Perception elle-même formée par les logiques de sédimentation/fulguration qui opère à travers l’actualisation continue de la forme qu’est la pratique de l’art.

Nous pouvons donc maintenant dégager quelques figures d’une logique trans-duelle :

  1. -la logique de la sédimentation formelle et sémantique

  2. -la logique de la fulguration intuitive

  3. -la logique de l’équilibre tensionnel

  4. -la logique du paradoxe





CONCLUSION : Vers un nouveau paradigme.


Par la décentration et la mise en perspective de l’approche chinoise, il nous est possible de repenser dans un cadre trans-duel certains concepts :

À partir de la compréhension de xing comme une forme s’actualisant, plus encore qu’une forme actualisée, forme s’actualisant continûment, rythmiquement et dynamiquement à travers la transmission de la pratique, il est possible d’approcher un nouveau paradigme pour la formation.

Dans ce cadre trans-duel, on trouve seulement des processus d’individuation et de désindividuation, qui sont autant de mouvements de formation et de déformation. Cette position dynamique implique que, dans ce cadre, il n’y a pas de sujet à la formation. Il n’y a pas quelqu’un qui se forme mais uniquement des dynamiques de formation plus ou moins individuantes ou désindividuantes i.e nécessitant la mise en œuvre de logiques trans-duelles créant le dynamisme tensionnel vital nécessaire à l’actualisation d’une forme. La logique duelle va de formes fixes en formes fixes. La logique trans-duelle fait émerger les lignes de forces qui traversent ces formes fixes et en constitue la trame dynamique et trans-formatrice.









BIBLIOGRAPHIE


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Wunenburger, J-J., 1990, La raison contradictoire, Ed. Albin Michel

Wunenburger, J-J, 2002, La vie des images, Grenoble, PUG


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Corps, processus et formation dans la transmission traditionnelle chinoise

Approche phénoménologique et transdisciplinaire des dialectiques formel/non formel



Gilles Roghe


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Résumé

Cette communication se propose d’explorer, dans un cadre transculturel, les virtualités contenues dans la transmission chinoise des arts du mouvement et la connexion qui peut être établie entre le type de formation dans cette culture et la constitution d’un champ logique développant des concepts permettant d’approcher la complexité des dialectiques formel/non formel. Ce travail dégage différentes figures logiques, duelles et trans-duelles, et tente de montrer comment l’utilisation de tel ou tel cadre logique induit des expériences et compréhensions du corps et de la formation très éloignées et plus ou moins viables. L’analyse des pratiques traditionnelles de transmission chinoise soulignent la complexité organique, réflexive et paradoxale de ces modes de formation.


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