Il s’agit de la première fois que Jacques Lacan fait allusion à la langue chinoise en 1946. 












Psychogenèse des névroses et des psychoses qui nous donne l’exemple de l’expression d’un dissensus entre deux vieux amis (l’autre étant Jacques Lacan) de la même classe d’âge, disputatio sans concession mais/et dans le plus grand respect de l’autre. Je peux témoigner que ce respect et cette amitié se sont poursuivis jusqu’à la disparition d’H. Ey. Je donne des extraits de cette rencontre.

Jacques Lacan
C'est pourquoi je m'inclinerai d'abord devant un effort de pensée et d'enseignement qui est l'honneur d'une vie et le fondement d'une œuvre, et si je rappelle à notre ami Henri Ey que par nos soutenances théoriques premières, nous sommes entrés ensemble du même côté de la lice, ce n'est pas seulement pour m'étonner de nous retrouver si opposés aujourd'hui.
À vrai dire dès la publication, dans L'Encéphale de 1936, de son beau travail en collaboration avec notre cher Julien Rouart, l'Essai d'application des principes de Jackson à une conception dynamique de la neuropsychiatrie, je constatais - mon exemplaire en porte la trace d'un crayon multicolore dont le hasard m'a privé depuis - tout ce qui le rapprochait et devait la rendre toujours plus proche d'une doctrine du trouble mental que je crois incomplète et fausse et qui se désigne elle-même en psychiatrie sous le nom d'organicisme.

Henri Ey
Mais là où commence précisément la maladie c'est quand un être est impuissant à dominer ses « réactions automatiques », quand il n'a pas pu acquérir ou garder une organisation assez solide pour résister aux influences du milieu. Et cette désorganisation vous ne l'expliquerez jamais par les forces mêmes d'organisation ou des liaisons de l'être à son monde. Il m'est impossible de souscrire à l'idée soutenue ici par Lacan, Bonnafé et Follin et qui rejoint l'argumentation de Bousquet lors de la discussion de 1855 sur « L'identité du rêve et de la folie ». Un état psychopathologique d'une réalité autre que celle du sens de son vécu. Vous ne pouvez pas vous donner le rêve sans le sommeil. Quand vous serez rentrés chez vous, vous relirez cette fameuse discussion qui opposa à l'époque Bousquet à Moreau (de Tours). Elle est comme l'écho anticipé de nos discussions.

Conclusion de Jacques Lacan :
C'est dans ces discussions que nous avons trouvé le prix de nos travaux. La thèse que j'ai soutenue au premier jour de ces entretiens a été reprise les deux jours suivants sur d'autres modes par Rouart d'abord dont la démonstration clinique s'avère avec la nôtre exactement complémentaire encore qu'il fut non concerté et qu'il nous imposa l'image des hémisphères de Magdebourg - par Follin et Bonnafé enfin qui développèrent la même thèse en termes « politiques » au sens ancien de ce mot. La discussion atteignit une signification qui fit évoquer à l'un des meilleurs esprits de notre concert, cet accord qu'Héraclite fonde sur les tensions opposées. Tous sentiront qu'une révélation s'était produite qui nous dévoila le plus souvent la fausse coïncidence des concepts où nous posons nos problèmes. Cette authenticité, avec les mots d'hommage à notre hôte par quoi j'ai l'honneur de clore ce beau débat, m'inspire de recourir à la langue chinoise qui mieux qu'une autre sait allier la fermeté à la ferveur, et, par les deux caractères “tong tö”, d'une de ces formules parallèles qui sont la plus familière figure de sa stylistique, d'exprimer, rigoureusement, la sorte de communion qui s'est manifestée entre nous et que notre langue ne peut traduire qu'en la forçant un peu dans le sens formel.

        Celui qui se plaît à réunir des esprits formés par l'amour de l'homme,
        Admirera aussi que chacun y rencontre sa cohérence avec soi-même…

Années 40


Retour
sommaireL_References_0.html
TéléchargementL_References_40_files/Lacan-References.pdf