Elisabeth Roudinesco
Né à Paris le 5 décembre 1935, Michel Guibal, psychiatre et psychanalyste, excellent clinicien de la folie, grand lecteur d’Artaud et des surréalistes, est mort à Paris le 10 mars 2017. Issu d’un milieu populaire, il poursuit d’abord des études médicales, songeant à devenir chirurgien puis il s’oriente vers la psychiatrie. En 1964, élève de Henri Ey à l’hôpital de Bonneval, il découvre l’univers asilaire et décide d’aller plus loin dans sa carrière. Trois ans plus tard, il passe le concours des hôpitaux psychiatriques de la Seine et se retrouve à l’hôpital Sainte Anne.
La même année, il assiste à une tragédie qui le marquera toute sa vie : le meurtre d’Yves Bertherat, à l'âge de 35 ans, par un malade mental. Poète, membre du comité de la revue Esprit, Bertherat était l’un des psychiatres les plus brillants de sa génération et l’événement sera répercuté dans toute la presse : « Le dimanche 15 octobre 1967 à 7 heures du matin, à l’hôpital de Perray-Vaucluse, un malade a blessé à coups de révolver un infirmier ; quelques instants plus tard il a tiré sur le Dr Y. Bertherat, Médecin-chef intérimaire du service, l’atteignant dans la région cardiaque de deux balles, puis il a blessé un de ses camarades ; il a ensuite retourné l’arme contre lui-même. »
Guibal entre à l’École freudienne de Paris, fondée par Jacques Lacan après une analyse sur le divan de Piera Aulagnier et un contrôle chez Gisela Pankow dont il suivra le séminaire pendant de très longues années et dont il sera l’un des héritiers majeurs en France. Passionné d’histoire de la psychanalyse, il adhère à la SIHPP dès sa création et il participe en 1981 avec son ami Jacques Nobécourt à la traduction française du dossier découvert par Aldo Carotenuto et Carlo Trombetta sur les relations entre Sabina Spielrein, Carl Gustav Jung et Sigmund Freud (Aubier). L’ouvrage obtient un beau succès.
C’est alors qu’il rencontre le philosophe chinois Huo Datong venu à Paris pour étudier l’œuvre de Lacan. Il le prend en analyse et poursuit l’expérience en se rendant à son tour à plusieurs reprises à Chengdu où celui-ci fonde un groupe psychanalytique, le premier du genre en Chine, et commence à former des élèves.
En 2000, Guibal sera l’un des participants les plus actifs des États Généraux de la psychanalyse. Hostile à tous les dogmatismes, il était connu pour son engagement permanent dans les combats qui ont marqué l’histoire de la psychanalyse et de la psychiatrie pendant un demi-siècle.
Hommage à
Michel Guibal
(1935 - 2017)