Séminaire du 16 janvier 2014
Révélation
« Les livres de morale attribués aux dieux sont issus de diverses techniques de révélation, dont les principales sont le rêve et, surtout, l'écriture inspirée, fuji 扶乩, ou fu Luan 扶鸾. L'écriture inspirée est organisée par un groupe consacré au culte d'un (ou plusieurs) dieu(x) : lors des réunions du groupe, après purifications des membres et invitation du dieu, l'un ou deux des membres agissant en médium(s) entre(nt) et est/sont possédé(s) par le dieu. Il ou elle, tenant un bâton de bois consacre en forme de Y, écrit alors sur un support (papier, cendres, sable, ou même dans l'air) des caractères qui sont copiés par un scribe et vérifiés par les autres membres du groupe avant d'être collectés et éventuellement publiés. L'écriture inspirée produit un nombre considérable de textes, dont les livres de morale ne sont qu'une petite partie, la plus diffusée et la plus universelle, mais qui doit aussi prendre sens au sein d´autres révélations, plus personnelles et contextuelles. De fait même dans les livres de morale, les propos d´ordre général (comment être une bonne personne, comment faire son salut) sont insérés dans un discours où le dieu qui parle à la première personne s’adresse à ses dévots : cette communication directe et personnelle contribue pour beaucoup a l'impact des Shanshu mais s'accroît avec le temps. La personnalisation du discours reste assez limitée dans les premiers shanshu mais s'accroît avec le temps. Chaque dieu révélateur tend en effet à s'y présenter comme sauveur universel et unique planche de salut. Ce discours, que l’on pourrait penser relever de formes « populaires » et « sectaires » de religion, se retrouve en réalité aussi dans des écrits associés aux élites lettrés. 1
Ce séminaire reprendra la recherche de ce qui a poussé J. Lacan, à l’école de J. Baruzi et de Leibniz, de s’intéresser, très précocement, à la Chine, tout spécialement à la langue chinoise, mais aussi à la connaissance de Dieu par la raison, jusqu’à se passer de la révélation. Voir à ce sujet « Wo die öffenbarung sei soll ernst die Wissenschaft hinkommen » de J.-F. Marquet.
E. Didier, M. Durel et H. Fontana, animerons la discussion, reprenant le débat qui a clôturé le séminaire de novembre.
La traduction en chinois par Leibniz reprendra les différentes nominations du temps de Zhuxi le « fondateur » de ce que l’on nomme en occident le néo-confucianisme.
1 Vincent Goossaert, Livres de morale révélés par les dieux, Les belles lettres, 2012.