Séminaire du 17 mars 2011



Entre plaisir et jouissance du tsexte



Le plaisir du texte, c’est ce moment où mon corps va suivre ses propres idées- car mon corps n’a pas les mêmes idées que moi.1



Alors les cures par l’écriture : relire Roland Barthes et le plaisir du texte.


Le sexe est au fondement de la tradition chinoise. C’est bien comme cela que j’ai essentiellement lu (avec plaisir) la thèse de Lu Yajuan, lecture « psychanalytique », me portant dans un jury universitaire auquel j’ai participé, sans hésitation, avec autant de plaisir.


Le sexe xing vient du Japon tardivement désigner la sexualité. Taïwan fut occupé par les Japonais pendant 50 ans.

Au fondement de la tradition chinoise xing désigne la nature, disons la spontanéité 自然ziran.


C’est bien ainsi que J. Lacan traduit xing par nature (comme tout un chacun) dans le séminaire XVIII, avant que par une transcription homophonique translinguistique il produise le mot signe.


Cette nature au fondement de la tradition chinoise, n’est pas centralisée sur le dieu Éros comme en Occident, c’est la sexualité qui est fondue dans un ensemble qui va se perdre dans un grand tout cosmique, on pourrait dire sans distinction autre qu’infime entre l’animal et l’humain.

C’est précisément ce que reprend J. Lacan dans le séminaire XVIII en indiquant qu’il repère chez Mengzi une différence infinie entre l’animal et l’humain, la différence étant de l’ordre de l’être parlant.


On retrouve chez Wang Fuzhi la même question, sans parler de la reprise de la disputatio entre Mengzi et Gaozi, disputatio au sein de laquelle va s’insinuer J. Lacan dans son célèbre woguyue = 我姑曰. C’est pourquoi/et pourtant (J. Lacan) je/je dis :…


Ce que je privilégie dans cette disputatio ce n’est pas tant l’être parlant que la graphie/écriture chinoise (c’est-à-dire pas alphabétique.) Cette autonomie de l’écriture graphique correspond à un corps = shenti身体 qui va suivre ses propres « traces » (spinozistes), suivre ses propres idées sans passer par « l’esprit » et ses « idées du corps ».


On connaît la question de l’autonomie de l’écriture qui en occident s’en va remettre en question la dominance du « JE » de l’universel, pour promouvoir un « je » du particulier dans le registre de l’étendue, de l’espace.


Cela concerne la psychanalyse. Il est remarquable que si J. Derrida a précédé J. Lacan dans la « déconstruction », il semblerait que J. Lacan l’aurait précédé dans son rapport à Spinoza, mais surtout dans son rapport à la langue chinoise. C’est bien J. Derrida qui dans une préface à Bianco regrettait de ne pas avoir suivi son collègue de la rue d’Ulm écrivant des sinogrammes, ce dont, alors, il se moquait. C’est en 1946 que J. Lacan s’initie au chinois. « Dongde » = comprendre = 懂得mais gardez-vous de comprendre trop vite. Manmandongde慢慢懂得.


La psychanalyse prise dans le carcan de la talking cure, dans la dominance du « je » de l’universel, jusqu’à en oublier le « je » du particulier et de l’espace.

Les cures d’enfant et des « grands » psychotiques sont bien là pour nous indiquer que le corps ne se soustrait pas impunément au regard, et déjà J. Lacan indiquait en son temps que la psychose exige un autre maniement du transfert, un autre qui ne se soumet pas au logocentrisme, à la « Jecratie ».


Si le corps est bien absent des cures américaines par SKYPE, ce n’est pas parce qu’il est présent dans la cure traditionnelle, qu’il n’y est pas comme simple figurant.


Yves Simon dans le journal Le Monde daté du 27 et 27 février 2011 nous donne un commentaire du livre de Jérome Garcin : Olivier. Il indique :


Alors, (psyc)analyse ou écriture ? S’allonger sur un divan ou aligner sur une feuille blanche les mots et les phrases de la fêlure ?

J’ai envie d’ajouter pourquoi « ou » et pas « et ».


Jean Lévi à propos de l’écriture/graphie chinoise nous indique :


Mais si l’écriture a pu ainsi acquérir un statut divin, c’est par le détour du geste, qui la libérait de ses liens avec la parole et plus généralement avec le langage discursif, lequel demeurait, lui, pour toujours dévalué aux yeux de la tradition lettrée »2.


Il apparaît, compte tenu du fait de la mondialisation et des nouvelles techniques de communication, que la psychanalyse s’en trouvera affectée dans sa pratique. Ces diversifications de la pratique sont inévitables, mais chacune d’entre elle devrait produire un travail d’élaboration théorique.

Autrement dit chaque psychanalyse devrait s’astreindre à un travail théorique en rapport avec la particularité de ses symptômes.



1 Barthes Roland, Le plaisir du texte, Points, Éd. du Seuil, 1973, p. 27.

2 Lévi Jean, La chine romanesque, Paris, Éd. du Seuil, 1995, p. 61.



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Séminaire de Michel Guibal

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