Nous poursuivrons, donc, la notion de nature à laquelle J. Lacan se réfère dans sa lecture psychanalytique de la phrase de Mencius.


Nous pourrions donc dire aussi que, en tant quʼil est dans le monde, quʼil est sous le ciel, le langage, voilà ce qui fait hsing, la nature.


Cela nous engage à relier J. Lacan à Spinoza [1] qui pose la question du « rapport » entre l’esprit et le corps, dont on pourrait dire dans les mêmes termes que J. Lacan utilise qu’il n’y avait pas de « rapport » sexuel.

L’orientation de Spinoza aboutit, en passant par le panthéisme, à un athéisme (c’est discutable) auquel ne conduit pas Hegel, Geist, xin 心.

Mais plus encore, il s’agirait de relier J. Lacan, qui affirme au détour d’une phrase qu’il n’est pas déiste, au mouvement romantique dans son ampleur allemande.

Dans la mesure où ce mouvement n’arrive pas à se débarrasser du Dieu créateur, il maintient l’obstacle dans les passerelles possibles avec la tradition chinoise. Il n’est pas impossible de considérer Spinoza et J. Lacan comme ouvrant une porte, pour autant qu’on ne réduirait pas la tradition chinoise à Mengzi, mais plutôt qu’on la nouerait de façon borroméenne (Confucius-Mencius, Laozi-Zhuangzi, Bouddhisme), tout particulièrement pour la question de l’être parlant (tel que J. Lacan le promeut : celui qui parle dans la cure [2]) qui est le « sujet » du prochain colloque à Chengdu.

Que la vérité ne puisse que se « mi-dire » qui est le propre du romantisme vient s’opposer à la prétention cartésienne, galiléenne, les lumières (pour faire vite) : forger une science [3] qui dirait la vérité.

Il n’y a pas de rapport sexuel, il ne cesse pas de ne pas s’écrire, vient en écho avec la question : qu’elle est la nature du rapport entre l’esprit et le corps, entre le langage (parole/discours) et le corps [4]? Opposition frontale à une raison dominatrice.

Ce ne sont pas les textes taoïstes sur les pratiques sexuelles (bonnes pour la santé) qui conduiraient les chinois à éventuellement les observer, mais plutôt la nature 自然 même de leur conception de la nature qui aurait conduit à l’écriture de ces textes. Il en serait de même pour le langage (parole/discours). Rappelons J. Lacan qui rêva d’un discours sans parole, d’un discours qui ne serait pas le sien. Serait-ce un discours chinois, c’est-à-dire son écriture.

La bande de Moebius écrirait bien ce rapport en univers chinois. Le sexuel et le Corps/Esprit (xin , xing [5]).


Remercions J. Lacan d’avoir fait cette « faute de grammaire » [6] dans sa « lecture psychanalytique » de la phrase de Mencius. Il nous permet de ne pas réduire le sujet de l’inconscient à un pur sujet grammatical [7].


L’apparition de la Psychanalyse en Occident au XXe siècle se trouverait ainsi en intelligence avec la tradition chinoise telle qu’elle se constituait à l’époque des « Printemps et Automnes et des royaumes combattants » c’est-à-dire bien avant Jésus Christ. (429-221), ainsi les « experts » occidentaux après avoir introduit en « Chine » la science occidentale viendraient leur vendre la psychanalyse pour les sortir de la prison dans laquelle ils les auraient enfermés.



[1] Chantal Jaquet, Pascal Séverac, Ariel Suhamy (sous la direction), La théorie spinoziste des rapports Corps/Esprit et ses usages actuels. Hermann. 2009.

[2] Qui n’est pas réductible à celui qui distingue l’homme de l’animal, connu depuis la nuit des temps.

[3] La question de savoir ce qu’est une science reste ouverte. Stengers Isabelle, La volonté de faire science, à propos de la psychanalyse. Les empêcheurs de penser en rond. 1992.

[4] Chomski Noam, La linguistique cartésienne, suivi de la nature formelle du langage, Éd Seuil. 1966.1969 pour l’édition française.1

[5] xing signifie aussi sexe

[6] C’est le bruit qui court dans les porcheries.

[7] voir aussi : Renaut Alain, L’idée de l’individu, Contribution à une histoire de la subjectivité. Gallimard.1989



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Séminaire du 18 février 2010