Initialement publié in Les Lettres de la SPF n° 15
« Comprends-moi si je reste muet
Pour dire de quelle magie ont usé les savantes commères
Elles m’ont fait comme un loup qui a faim ramper jusqu’à terre
De même ton regard qui me hante est d’où je voudrais m’enfuir [2]. »
Louis-René des Forêts
牛头不对马嘴
Niútóu bù duì mǎzuǐ…
… « La tête de la vache ne correspond pas à la bouche du cheval. » Cette formule que l’on emploie parfois en chinois concerne avant tout le lapsus ; elle pourrait s’appliquer assez bien à un premier abord du transfert en psychanalyse. Ainsi, lorsqu’au cours du « traitement » de l’Homme aux rats, l’analysant appelle soudain Freud « mon capitaine [3] », produit-il dans le discours, dans cette impossible interlocution qu’est une cure, une étrange figure : à la fois Freud et capitaine ; et bien plus que chacun de ces seuls termes… Ce « mon capitaine » établit une adresse inattendue. Nous voici donc entre tête de vache et bouche de cheval, là où un phénomène de langue se manifeste à l’impromptu et où, précisément, ça ne colle pas. C’est le fait du transfert qui, sous la forme de cet inattendu militaire, vient de se produire dans la cure. D’y être produit, également. Freud le remarque aussitôt. Nous reviendrons un peu plus loin sur les possibilités de lecture qu’offre cette dérangeante manifestation clinique du transfert. Elle se produit en 1907 et précède ce que le fondateur de la psychanalyse formulera définitivement cinq et sept ans plus tard [4].
Saut dans l’inconnu
Si l’adage chinois que nous citions correspond autant au lapsus qu’au transfert, ce n’est pas un hasard. Nous nous trouvons au fondement de la méthodologie freudienne, de son approche des formations de l’inconscient. Le lapsus, le symptôme, le rêve, le transfert chez le névrosé s’appuient, reposent sur une opération constitutive de la langue, que Freud identifie à sa façon ; et que Lacan nommera plus tard « métaphore ». Freud, n’ayant pas ce mot dans son vocabulaire [5], envisage les choses très finement. Aussi bien dans les Études sur l’hystérie que par la suite dans la Traumdeutung, il mettra à la fois l’accent sur l’irruption dans le verbier de la cure d’une représentation intruse, laquelle peut donc être plurielle (ainsi parlera-t-il dans cet ouvrage, de transferts au pluriel), et sur le fait que cette nouvelle venue résulte d’une « fausse association », d’une « mésalliance », d’une « erreur d’aiguillage ». Ces images donnent une idée très neuve du transfert : comme forme d’association pirate, opérant à l’insu du locuteur qui la met en jeu ; mais elles présentent aussi l’inconvénient de risquer de mettre trop en avant l’erreur, le faux [6], la méprise. Et d’ainsi laisser croire qu’il s’agirait alors d’un processus erroné à corriger, à remettre sur des bons rails, en une union plus acceptable, un nœud plus convenablement dénoué. Ce n’est pas la position freudienne, infiniment plus respectueuse de la complexité de cette intrusion inattendue qu’est le transfert. Mais une partie des successeurs de Freud objectivera ces images, s’attachant aussitôt à interpréter le transfert pour le faire cesser. Ou tout du moins le réduire… Du fait qu’il se montrerait inexact, inadéquat, somme toute. Peut-être, pour d’autres analystes, ce transfert a-t-il à passer de sa place inappropriée au fait qu’il deviendra par la suite approprié à ce qui aura été finalement reconsidéré, par l’analysant, en les conditions de son apparition dans la cure. En fonction de ce qui s’y sera ainsi dit ; et fait entendre, finalement.
Des premiers écrits freudiens, issus de la clinique ou théorisés plus tard à partir de celle-ci, trois éléments paraissent déterminants, quant au transfert en psychanalyse [7] : il est d’abord produit par un mécanisme qui ne lui est pas spécifique, et qui irrigue d’autres formations de l’inconscient (rêve, lapsus, symptôme). Par ce mode de transport, par une forme de « mandat », une représentation s’accroche à une autre qu’elle modifie en la chargeant de son potentiel pour se faire connaître, c’est-à-dire représenter auprès de la conscience. Cette dernière sera le lieu d’accueil d’une nouvelle valence clandestine. Second enseignement, cette translation s’effectue à l’insu du sujet, en dehors de toute stratégie, projet, volonté. Le phénomène qu’est le transfert accompagne les mots, se produit en leur étrange alchimie lorsque quelqu’un parle sous certaines conditions limitatives, de quelque chose qui l’engage ; en avance sur lui-même. Dans une parole qu’il mobilise dans le lien avec un autre et qui fait événement pour lui. Il parle, mais pas comme d’habitude, sans plus savoir tout à fait ce qu’il dit. Comme lorsqu’il parle à quelqu’un qu’il aime. Troisième leçon freudienne, ce transfert qui se produit est moins le fait d’un locuteur, d’une personne qui certes parle, que des représentations à l’intérieur de ce qu’il dit, qui jouissent d’une certaine autonomie et qui elles, transfèrent [8]. Autrement dit, dès les premières élaborations freudiennes, le transfert ne provient pas d’un sujet psychologique qui porterait sur un(e) autre ses élans, attentes ou déceptions ; il se produit entre des représentations qui, comme des écoliers devant un maître tatillon, se chargent ou se déchargent les uns sur les autres de leurs responsabilités à dire. Lorsque les premiers se défilent à dire, d’autres s’en trouvent surchargés et contraints à faire clandestinement passer ce qui sans eux ne pourrait se dire. C’est le transfert comme mécanisme, façon Freud, entre 1895 et 1907. Une histoire de représentations, c’est-à-dire une faculté de la langue, propre à son génie. On ne transfère pas, somme toute ; la langue, c’est-à-dire les représentations y pourvoient.
C’est précisément sur ce point qu’interviendra la lecture lacanienne dans le retour à Freud que le psychanalyste français va initier. Les formations de l’inconscient freudien sont fondamentalement métaphoriques : elles détournent un élément qu’elles arrachent de son contexte initial pour le charger d’une nouvelle valeur ambiguë, sinon clandestine, laquelle produira une signification inattendue, véritable coup de force linguistique dans un nouveau contexte. Le transfert introduit une torsion, une tension dans la langue comme dans la parole. Un monstre à deux ou trois têtes, mi-vache mi-cheval, sans se réduire à aucune de ces parties, va voir ainsi le jour. Tel est le sort du transfert freudien, levier et résistance dans la cure, mais aussi production inattendue, inespérée, non identifiable a priori par l’analyste, et formalisée comme ressort de la langue par Lacan. Si selon l’heureuse formulation d’un de nos collègues, André Bolzinger [9], le transfert est un report et non un rapport, il ne s’ensuit pas que ce report soit décelable d’avance par l’analyste, ou posé par principe. Pour caricaturer, si l’analysant – un homme – parle à son analyste – une femme – le transfert ne peut pas être posé axiomatiquement comme maternel. Car le transfert ne connaît ni principe ni essence. Plutôt est-il fils du vent et de la pluie, c’est-à-dire enfant des précipitations. C’est un effet de contexte, d’association imprévue, d’erreur d’aiguillage au cours de la cure, disait Freud. Lorsque quelqu’un s’exprime dans une parole qui l’engage, non pas seulement avec un autre, mais avec lui-même. C’est un invité inattendu, dont les jeunes analystes aimeraient souvent se débarrasser – cela s’entend dans les contrôles – mais qui présente une incidence supplémentaire. Car la cure doit être positionnée en fonction de cette double adresse dont l’analyste se trouve tenir lieu.
Ce qui veut dire que l’analyste a peu à peu à laisser place au transfert dans ses multiples manifestations : fausses associations, bien sûr, mais tout autant affects impérieux, acting-out, modification du rythme des séances, histoires amoureuses, prises médicamenteuses, la liste est sans fin. Puisque les capacités de transfert des représentations sont infinies. L’analyste ainsi se repère peu à peu autant dans le transfert que vis-à-vis de celui-ci. En découvrant, dans la surprise, la place qu’il prend sans le savoir pour son analysant, dans la façon dont celui-ci le situe quand il (lui) parle. Le transfert ressemble donc, malgré son aspect de résistance sur lequel Freud et Lacan sont revenus à de multiples reprises, à un principe de navigation : c’est une force, inévitable, motrice, mais avec laquelle il convient de jouer comme avec les vents pour que le voilier de la cure sur lequel sont embarqués analysant et analyste, ne s’encalmine ou ne sombre pas.
Un traitement bien cruel
Revenons quelques instants sur l’exemple de l’Homme aux Rats. Nous avons dit que le transfert se manifeste clairement dès la deuxième séance. Dans quelles conditions ? La première séance avait permis à Freud de poser à Lehrs les deux conditions méthodologiques du traitement : la libre association, d’abord, ainsi que le fait de ne prendre aucune décision importante touchant à son existence, tant que la cure n’est pas allée à son terme. Après avoir consulté sa mère, le patient accepte ces conditions et vient à sa première séance après accord de principe. Celle-ci est consacrée à l’exposition qu’il fait de ses craintes et impulsions. La seconde séance sortira de ce tour d’horizon. C’est la première occasion d’un récit, celui de l’intérêt d’un certain capitaine pour la cruauté et plus particulièrement pour un supplice oriental. Mais le récit s’interrompt aussitôt, le patient souhaitant être dispensé par Freud de relater les circonstances de cette torture. Le psychanalyste refuse avec douceur, rappelle le premier principe méthodologique, se propose de deviner ce à quoi il sera fait allusion. Lehrs relatera peu à peu, avec l’aide de Freud, le fameux supplice d’introduction de rats dans l’anus du supplicié. Le psychanalyste consignera le soir même dans ses notes un étrange phénomène qui s’est produit dans la séance : « À un moment donné, comme je lui fais remarquer que je ne suis pas cruel moi-même, il réagit en m’appelant : “Mon Capitaine [10]”. »
Fausse association, erreur d’aiguillage, mésalliance ? Certes… Une représentation vient de franchir un seuil pour s’accrocher à une autre et pouvoir se faire entendre, d’avoir été ainsi représentée. On reste dans l’espace freudien. Mais en remarquant aussi que ce « mon capitaine » ne saurait se confondre complètement avec la personne de Freud ou celle du capitaine ; il est une création, un être de fiction dans la parole. Un lieu d’adresse inattendu. Tel est le premier visage du transfert, freudien puis lacanien. C’est-à-dire mobile, représentatif et métaphorique : s’il reporte, dans un effet de neuf avec du vieux, il produit. Il est donc comme tel à analyser mais pas à interpréter – sauf dans les moments de crise où c’est la traversée analytique elle-même qui dans son ensemble se voit menacée. Mais s’il n’est pas particulièrement à interpréter, c’est qu’il se révèle plus de l’ordre d’une dimension inépuisable que d’un contenu réductible. La métaphore, comme disposition de la langue, ne s’interrompt pas, et l’analysant à la fin de sa cure, continuera d’en user : et donc de rêver, de faire des lapsus, de transférer, de créer de nouveaux symptômes. Reconsidérons ce « mon capitaine ». A-t’on quelque idée des raisons de son apparition soudaine ? Deux modes de réponse peuvent ici être envisagées, avec des conséquences méthodologiques différentes pour la conception de ce qu’est une cure analytique. Première hypothèse, le contenu de la représentation était déjà là, en attente, depuis toujours ; seconde hypothèse, cette irruption s’est produite du fait d’un certain concours de circonstances présent dans l’échange effectif de paroles entre le patient et son analyste, c’est-à-dire dans la langue. Nous nous tiendrons ici du côté de la seconde hypothèse. Elle permet que puisse être envisagée une fin de partie.
Réexaminons les circonstances de cette séance, dont le paradoxe apparent est que le transfert se produit après que le psychanalyste ait dit qu’il n’était pas cruel. On aurait pu penser que Freud soit plutôt intervenu ainsi après l’étrange interpellation de son analysant ! Mais non, les choses se sont bien déroulées dans l’ordre raconté. Alors, état de confusion de Lehrs ? Pas seulement. Le capitaine cruel et Freud ont un premier point commun, donc d’accroche possible pour les représentations : ce sont des Viennois [11]. Seconde proximité, l’un et l’autre dirigent leur interlocuteur selon leurs principes qui, alors, s’imposent à lui. Ce sont des commandements, des impératifs auxquels il s’agit de se soumettre : du côté de la cure, ce qui lors de la première séance était présenté par Freud comme des Hauptbedinggen der Behandlung, des conditions essentielles du traitement, est verbalisé par le psychanalyste lorsque Lehrs souhaite être dispensé de la libre association, comme ein Gebot der Kur ; soit un véritable commandement de la cure, terme aux connotations les plus militaires qui soient. Les conditions se sont muées en impératif [12], Herr Professor et Hauptmann [13], professeur et capitaine, se trouvent alors en grande proximité. Ce commandement (Gebot) auquel on ne peut se soustraire est un mot employé en premier par Freud ; ce sera ce même terme qu’utilisera ensuite l’analysant pour qualifier les phrases qui s’imposent à sa conscience. Ce « commandement » reviendra à trois reprises [14] dans cette même séance. Dans la nouvelle traduction du cas [15], on peut lire la phrase suivante : « […] et je remarque encore qu’à la fin de cette deuxième séance il se comporta comme s’il était hébété et confus. À plusieurs reprises, il m’appela “mon capitaine”, probablement parce qu’au début de l’heure j’avais fait remarquer que je n’étais pas moi-même quelqu’un de cruel comme le capitaine M. et que je n’avais pas l’intention de le torturer inutilement [16]. »
Le torturer ? On a bien lu. D’une traduction à l’autre, le contexte se charge, se surcharge. Dans l’espace des mots de la séance, ça parle de commandement, d’acceptation, de règles auxquelles on se soumet (on est soumis ?) pour un traitement ; et de passer outre ce qui est pénible. C’est suffisant pour exciter les représentations, surtout que la règle de libre association, suspendant la gouverne du moi et de ses objectifs, leur accorde un espace inhabituel. C’est en ces conditions que se produit le transfert freudien : saut de mémoire, quand le souvenir est encore inaccessible. C’est-à-dire ici qui permet une adresse clandestine, dans un effet de vérité. Les mots rendent possibles des accrochages inattendus, des translations inédites. Lesquelles s’accompagnent, bien sûr, d’affects qui mobilisent et souvent immobilisent la cure. L’affect prend le devant, le dessus, sur un mixage de mots dirait aujourd’hui un DJ, mais que personne ne peut prédire ou reconnaître. Les mots ont un temps d’avance, autant pour l’analyste que pour l’analysant. Nous voici de fait, par le génie de ce « mon capitaine », amenés en une étrange topologie du temps : ni tout à fait présent, ni uniquement passé. Localisation mitoyenne, tierce par conséquent. C’est en cette création qu’interviendra l’amour de transfert ; et plus tard, la névrose de transfert qui problématisera ce lien entre travail clandestin des représentations et installation de l’amour de transfert.
Une division dé-terminante
Lacan ne perdra jamais de vue le transfert freudien. Mais, contrairement à bien de ses collègues lecteurs de Freud, il s’intéressera moins au caractère erroné de l’association. S’il sera sensible, comme lui, à la dritte Person, cette figure tierce que font surgir autant le transfert que le mot d’esprit ou le rêve, ce sera peu à peu pour s’intéresser aux conditions logiques de son apparition. Moins dictée par les seuls impératifs de la mémoire et de l’historisation [17], qu’en fonction de la conceptualisation d’un sujet définitivement divisé par le signifiant mais néanmoins en rapport inlassable avec un lieu, l’Autre. C’est dans cette perspective que Lacan développe simultanément à partir de 1964 deux fonctions qui ne se confondent pas avec l’analyste, mais qui génèrent le transfert freudien et déterminent la cure : le sujet-supposé-savoir [18], d’une part, et le désir de l’analyste, d’autre part. Le transfert est leur interface : mise en acte de la structure du sujet dans la langue. C’est sans doute sur ce point que Lacan a développé ses perspectives qui permettent de ne réduire la cure ni à une relation psychologique entre deux personnes, faite de sympathie ou d’antipathie, d’amour et de haine, ni à une répétition filiale d’un déjà vécu qu’il conviendrait de solutionner plus réalistement. Du côté du sujet-supposé-savoir, Lacan situera l’origine logique du transfert : l’analysant, lorsqu’il se laisse aller à la libre association, se fonde sur l’attente d’une lecture qui relie ces signifiants qu’il lance dans le fil inattendu du discours. Ainsi sa parole s’adresse-t-elle en premier lieu à celui qui écoute, l’analyste : « Qu’est-ce que cela veut dire, ce que je dis ? qu’y entendez-vous ? » Mais cette première destination vient comme intermédiaire, adresse provisoire à ce que serait un autre lieu que vise aussi la parole de l’analysant. Et où existerait déjà une liaison de ces signifiants entre eux, une forme d’écriture ayant constitué un savoir déposé (l’inconscient) qui les a articulé, sous la forme du symptôme. Tous les analysants ont le plus grand mal à envisager la névrose de transfert, tant l’essentiel de la cure selon eux consisterait à dénouer, délivrer en interprétant, ce qui se serait noué dans un symptôme avant la rencontre avec l’analyste. Comme si le travail de la parole avec ce dernier, en sa présence, restait secondaire, extérieur ou ultérieur, et que seul comptait une forme de lecture du grimoire que constituent pour l’analysant les rapports du sujet avec l’Autre et dont le sujet-supposé-savoir reste l’espoir, le moteur, l’élan. Il en ira bien sûr, autrement. Et c’est dans le champ complexe de cette parole livrée en présence d’un autre, de ses enjeux pulsionnels, que se produiront simultanément cette immobilisation des signifiants dans l’amour de transfert et l’apparition de la dritte Person que crée le transfert. C’est en cette confluence que va jouer le désir de l’analyste, façon dont l’analyste maintient en travail, en mouvement, la tâche analysante. Cette dimension éthique, qui est plus qu’un art, permet que la cure ne s’enlise pas dans une objectivation, un objectif prédéterminé, mis en commun. Le désir de l’analyste est cette énonciation de l’analyste qui témoigne de sa façon de rester lui-même au service de l’analyse. Dans le séminaire XI, Lacan le définit de façon assez lapidaire comme « un désir d’obtenir la différence absolue [19]… » Il y a plusieurs façons d’entendre cette formulation, bien sûr. On peut la situer, cette différence absolue, comme celle qui est à la base du fonctionnement du langage et dont les signifiants (fondés par définition sur une opposition distinctive) sont les opérateurs. Le désir de l’analyste est la façon dont s’exerce dans l’écoute et dans l’énonciation de l’analyste ce maintien de la différence qui met en mouvement la parole, la signifiance. Le transfert va inévitablement se produire en s’accrochant aux quelques énoncés de l’analyste où ce désir de l’analyste est à l’œuvre (ce que fait aussi entendre « mon capitaine » à la consigne de Freud). Et c’est souvent en cet endroit imprévu, pour l’analysant comme pour l’analyste, point aussi aveugle qu’adhésif parfois, que se déroule l’inédit d’une cure : là où certes vont s’enfiler toute une série de souvenirs, de demandes, de ratages et où le passé peut se saisir en un fragment d’histoire en train de s’écrire. Mais où se joue tout aussi fondamentalement pour l’analysant la liberté qu’un sujet trouve, non pas seulement d’un effet de lecture, mais en faisant le tour des limites de la lecture elle-même ; de cette étrange et fallacieuse quoique nécessaire construction qu’est le sujet-supposé-savoir, et dont l’analysant fait l’expérience de la contingence. La cure qui l’a mis en jeu est aussi celle qui s’en sépare comme une fiction qui n’est plus nécessaire, mais dont le désir de différence absolue – celui de l’analysant en fin de cure [20] désormais – constituera un bien énigmatique. Non point un capital ; mais cette étrange détermination, aussi désirante qu’inaccessible directement, et qui pousse au style.
Elle lui permettra d’assurer la fonction de psychanalyste, ou d’autre chose. Dans l’ouvert : aussi définitivement divisé, que plus paisiblement situé.