La réunion de coordination de l'IAEP, se tient sur le lieu même du congrès, à Emeishan. Sont présents un certain nombre de délégués représentants leur association auprès de l'inter-associatif, et aussi quatre représentants du groupe de Chengdu, M. Huo Datong, M. Qin Wei, Mme Yan Helai, M. Zheng Yu.
Dans l'ensemble les délégués de l'inter-associatif, présents depuis quelques jours en Chine, ont senti que pour entendre ce qui se disait à Emeishan, il fallait remettre en question de façon assez radicale les catégories de pensée habituelles, et faire preuve d'une grande ouverture à l'autre. Ne serait-ce que pour répondre à l'ouverture, à l'accueil chaleureux et la grande curiosité dont témoignaient nos hôtes.
Les questions qui ont été abordées concernent d'abord le fonctionnement du groupe de Chengdu qui demande son inscription à l'IAEP.
- Quels sont les statuts de l'association ?
- Comment fonctionne un groupe en Chine ? En effet il n'y a pas d'association régie comme en France par la loi de 1901.
- Quelles sont les modalités pour y entrer, quelles sont ses relations avec l'université ?
Mais aussi dans un registre moins formel, et qui n'appelle pas de réponse immédiate :
- Quel usage un groupe fait-il du transfert ?
C'est d'abord M. Huo Datong qui répond aux questions.
Une seule règle présidait au fonctionnement du groupe qui s'est créé en 1999 à savoir qu'il fallait avoir au moins deux ans d'analyse pour en faire partie. Il précise par ailleurs qu'il y a lieu d'opérer une distinction entre, d'une part entre les études faites à l'université, et d'autre part le travail du groupe de psychanalyse.
En effet il faut avoir à l'esprit que si la fondation d'une association de psychanalyse en France est relativement facilitée par la loi de 1901 il n'en va pas de même en Chine où il n'est pas possible de fonder une association sans la rattacher d'une façon ou d'une autre, à une institution déjà reconnue. Il en va donc ainsi pour le groupe analytique de Chengdu, qui est rattaché au département de philosophie de l'université.
À la question pourquoi deux ans d'analyse, et avec quel analyste,
il a été répondu que les personnes intéressées par cette fondation et qui avaient été pressenties, avaient en moyenne fait deux ans d'analyse avec M. Huo Datong.
Combien êtes-vous maintenant ?
Actuellement le groupe comporte seize membres plus quatre étrangers.
Est-ce que des analyses ont été menées par quelqu'un d'autre que M. Huo Datong ?
Oui, avec l'un des membres du groupe.
Comment avez-vous pensé le lien de travail entre vous ?
Pour ceux qui souhaitaient se former à la psychanalyse, il nous a semblé qu'un travail théorique était souhaitable dans un premier temps, en attendant que ceux qui exerçaient en tant qu'analyste puissent parler de leur clinique dans un deuxième temps. Nous avons donc instauré un rythme de travail comportant un samedi un travail théorique et le samedi suivant une étude de cas.
Comment se fait l'enseignement de la psychanalyse ? -
Il se fait d'une façon singulière car bien que l'enseignement se fasse dans le cadre de l'Université, il n'est pas au programme. Notre organisation est simplement rattachée, au département de philosophie de l'université sans en faire réellement partie.
Cette situation vient du fait qu'il n'est pas possible en Chine de fonder une association qui soit totalement indépendante. Pour éviter l'accusation d'avoir une activité secrète ou dissidente, il est nécessaire d'obtenir une reconnaissance officielle, de nous accrocher à quelque chose, à un groupe, à une société, à une institution qui accepte de nous donner une représentation publique. Les deux discours d'introduction faits l'un par le directeur de l'université qui est un économiste connu, et l'autre par un représentant de l'état, apportaient leur aval au groupe de Chengdu. On sentait l'intérêt que l'un et l'autre portaient à la psychanalyse sur laquelle ils s'étaient documentés de façon approfondie
Quelles sont les conséquences de ce rattachement sur la façon dont un psychanalyste entend dans une cure et en rend compte publiquement ?
Un des analystes chinois présent répond que ce rattachement ne se fait pas seulement dans leur association, mais que c'est un phénomène courant. Toute association doit être rattachée à une instance officielle sinon il n'y a pas de reconnaissance de l'état. Notre association est reconnue comme légale. D'autres associations sont considérées comme illégales, et peuvent à tout moment être dissoutes.
Il est précisé qu'en France il y a débat sur ces rapports avec l'état et aux conséquences sur les cures. À l'inter-associatif même il y a débat entre différentes associations sur la position à adopter par rapport à cette question, refus ou acceptation.
La question de la garantie est posée,
à partir du droit des usagers en France, qui conduit les associations à produire une liste d'analyste qu'elle garantit. Les associations ont à se prononcer sur cette liste. La réponse par la passe ne semble pas être le bon moyen. Il y a d'autres modalités. En France c'est l'association qui décide qui est psychanalyste et qui ne l'est pas.
C'est la même chose ici. On ne peut pas dire qui est psychanalyste dans une autre association, c'est l'association elle-même qui peut le dire.
Est-ce que l'inter-associatif est un bon accrochage pour le groupe de Chengdu ?
Si le centre de psychanalyse s'accroche à cette institution internationale, cela nous donne une indépendance par rapport à l'état chinois. C'est pour cela que nous avons demandé il y a trois ans, notre inscription à l'inter associatif, il est important de pouvoir écrire, inscrire sur le papier : membre de l'IAEP.
Est-ce que cela s'inscrit dans une tradition indo-européenne, bouddhiste ou autre ?
Non c'est européen. L'origine est européenne, freudienne. Le signifiant Chine a fait découvrir une identité européenne ouverte vers la chine.
Reprise du signifiant origine,
qui fait résonner la question de l'inconscient, de façon très discutable, à savoir : y a t il un inconscient chinois, français, etc.… ? Cette notion de l'inconscient est très réductrice, alors que posée comme elle vient de l'être, elle décale la question de l'origine au profit de l'inter, l'inconscient est dans l'inter. Il y a des individus chinois ou français, mais il n'y a pas un inconscient français ou chinois, et le sujet n'est pas l'individu. Le sujet de l'inconscient émerge dans la rencontre avec l'inter. On déplace la question de l'origine sur celle de l'accueil de l'étranger. On ne peut pas souscrire à la proposition d'un inconscient national, chinois ou belge ou danois, mais entendre dans l'étranger des signifiants d'autres cultures, l'inconscient en tant que discours de l'Autre. Les signifiants sont dans le bain de langue qui entoure, enveloppe l'enfant qui vient au monde. Nous sommes sollicités pour élaborer ce qui va faire accueil aux signifiants étrangers de l'Autre. Toute langue me rend étranger, m'est étrangère !
Que pensent les analystes chinois présents à cette réunion ?
Il est question en ce moment d'une organisation nationale de la psychanalyse en chine, en relation avec des propositions venant d'Allemagne. L'un des instigateurs du projet se trouve à Shanghai. Un expert allemand psychiatre, propose une formation de trois ans comprenant notamment dix séances de psychanalyse. - De cours théoriques ? - Non des séances ! Il s'est mis en relation avec M. Huo Datong pour lui demander si ça l'intéressait. Mais la façon dont les choses étaient présentées revenait à faire du groupe de Chengdu un sous-groupe provincial, alors que le Sichuan représente trente provinces, et il a refusé la proposition. Il ne faut pas que le groupe de Chengdu devienne un sous-groupe de l'Europe, et que des organisations européennes viennent en Chine pour faire leurs affaires.
Aujourd'hui personne en Chine ne peut dire qui est psychanalyste et qui ne l'est pas. Sur l'évaluation qui est faite actuellement je ne suis pas d'accord ! Quant à la tenue du séminaire nous avons entendu beaucoup de cas, beaucoup de communication, mais le niveau était un peu bas. Dans le sens ou nous sommes encore au pied de la montagne. Il faut du temps pour que la psychanalyse vienne en chine, un temps relatif mais nous avons encore beaucoup d'efforts à faire.
Le mot national est il dangereux pour Chengdu ?
Oui c'est un danger, mais j'accepte le danger. Nous souhaitons avoir des relations avec l'Europe, non pas pour nous protéger d'un danger mais pour les mêmes raisons qui nous ont amenées à fonder le centre de Chengdu, c’est-à-dire que nous avons des choses à nous dire entre analystes dans ce petit groupe, à partir de notre clinique, avec nos collègues qui font des analyses. Je veux avoir une garantie pour pouvoir discuter avec vous. Et moi la garantie dont je parle est celle de la parole libre !
Je partage ce point de vue. C'est une place dangereuse. Et être associé avec une association étrangère garantie la survie de l'association chinoise sur le long terme, c'est l'étranger qui garantit. L'accrochage à l'inter associatif permet d'assurer une possibilité de survie.
On ne recherche pas une garantie par l'autre qui réglerait fantasmatiquement le problème.