J'espère que le groupe de Cheng Du a été satisfait de cette importante rencontre à Cheng Du. je garde de ces journées un excellent souvenir de rencontre amicale et d'intense travail. Je pense que l'on n’a pas assez mesuré encore l'importance des différences culturelles entre Chine et Europe (francophone) dans l'abord de la psychanalyse. Je pense que le rapport des chinois à leur écriture est d'une très grande complexité qui met en question les distinctions trop simples entre symbolique et imaginaire et en particulier la portée du terme même de signifiant. J'espère que ces questions seront un jour reprises.

En attendant de renouer un dialogue pour moi essentiel avec vous, je vous envoie le complément de texte qu'il faudrait ajouter au texte que vous aviez traduit pour mon intervention. Il s'agit de quelques lignes que j'ai ajouté le jour même de mon exposé et qui me semblent importantes. Il faudrait insérer ces lignes juste avant le dernier paragraphe de conclusion. Voici (je mets des guillemets pour définir le texte à ajouter)


Quelques mois ont passé depuis l'événement que j'ai relaté pour le premier des analysants dont j'ai parlé. Il est revenu une seule fois sur le souvenir d'enfance qui était aussi le moment de sa première crise d'asthme. Il n'exprimait cette fois aucune émotion particulière et m'a dit, dans une sorte d'indifférence et en ayant oublié l'intensité des affects et des larmes que la première évocation avait suscités, que depuis lors il ne portait plus dans sa poche ce petit flacon (l'aérosol anti-crise) et même qu'il n'avait plus eu de crise d'asthme.

Je me suis cru revenir au temps des commencements de la psychanalyse, au temps des Études sur l'hystérie : en effet, une forte expérience de décharge affective associée au souvenir de l'événement traumatisant avait en quelque sorte liquidé un symptôme présent depuis des années. Il y avait de quoi être satisfait d'un tel traitement cathartique et d'une telle efficacité thérapeutique. Je rappelle que cet asthme faisait comme partie de sa vie et que ce n'était pas pour cette difficulté qu'il était venu s'adresser à moi… Ma satisfaction bien réelle tenait à plusieurs raisons : j'avais pu faire la constatation que la parole portée par le transfert a bien un effet cathartique ; j'avais en outre personnellement vérifié la thèse que le symptôme est bien ce que Freud nous a appris à déchiffrer comme une sorte de rebus ou d'idéogramme : la surdétermination symbolique, la valeur de substitution, la fonction de réminiscence et le rôle de témoin de l'insistance du désir au sein du lien analytique.

Cependant tout ne s'est pas arrêté là. Car depuis ce moment de « guérison », l'analyse l'a mis devant une intensification de la plainte qui l'avait décidé à entreprendre une analyse : au travail, il a du mal à affirmer clairement son ambition, en particulier en n'arrivant pas à exiger un avancement dans le niveau de responsabilité qu'il voudrait assumer au sein de son association d'architectes ; et dans sa vie privée, au cœur de l'intimité conjugale, il supporte très mal que sa femme prenne des initiatives dans la rencontre sexuelle. Cela le rend irritable et même, reconnaît-il avec peine, méchant envers elle. Enfin, il trouve que lorsqu'il est en famille, il s'ennuie… La disparition d'un symptôme important n'a donc pas arrêté l'analyse.

Je ne crie donc pas vraiment victoire ! Mais je me dis qu'il est, sans aucun doute, dans un processus où il aura à trouver vraiment sa respiration."

Voilà ce que je souhaitais ajouter. Je vous remercie de votre amicale collaboration et souhaite garder un échange épistolaire avec vous.

Cordialement,

Cher Qin Wei, hen hao de "Ge ha"

Jean Florence

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