La personne qui s’adresse à moi dans ce cas est la mère d’une fille de huit ans. Cette femme est âgée de trente-huit ans et travaille comme commissaire de police dans un commissariat. Je l’appellerais Lan ou Orchidée, car c’est ainsi que l’appellent souvent ses parents et amis. Elle vient me voir en raison de certains symptômes apparus depuis ces deux derniers mois : peur du noir, crises de vertige, pertes de connaissance, bourdonnements d’oreilles, gênes visuelles et insomnies. Ces symptômes l’empêchent de travailler et de vivre comme avant et elle se trouvait dans une situation très pénible.

La première fois qu’elle vient, elle semble très amaigrie, la mine défaite ; c'est une personne très soucieuse et très tendue. Lors de la première séance, elle me dit que la lumière de mon cabinet est très sombre, elle a très peur du noir, cette obscurité lui fait penser qu’elle est enfermée dans une chambre noire dont elle ne peut sortir. À ces mots, elle est très émue et commence par fondre en larmes. C’est donc dans cet état d’excitation qu’elle raconte les circonstances au cours desquelles s’est déclarée pour la première fois cette maladie. C’était deux mois avant l’analyse, elle était en voyage avec un groupe de collègues de l’unité de travail. Un soir, il y eut tout d’un coup une panne d’électricité ; la chambre fut si noire que l’on ne voyait pas ses cinq doigts en étendant la main. Elle eut très peur et se leva pour tirer le rideau en pensant qu’il y aurait de la lumière à l’extérieur. Mais, après avoir tiré le rideau, elle remarqua que l’obscurité à l’extérieur était plus oppressante que celle de l’intérieur, et éprouva face à cette noirceur une peur terrible et c’est à ce moment qu’elle ressentit un courant d’air froid lui parcourir le dos, d’abord du cou, puis de la tête ; elle fut immédiatement prise de vertige, d’engourdissement. Elle se sentait très mal et souffrait de tout son corps ; elle était comme saisie par quelque chose.

Au récit de cet événement, Orchidée semblait très émue et pleurait tout en parlant, parfois elle allant même jusqu’à m’oublier et monologuant comme si je n’existais pas. Alors qu’elle me fait le récit sans s’interrompre de ses symptômes de souffrance et de l’apparition de cette maladie lors de ce voyage collectif, je demande ce qui a pu se passer au cours de ce voyage ? Je ne l’ai pas immédiatement questionnée, mais seulement écoutée en silence et dans l’attente.

C’est au cours de ce récit qu’elle mentionne son directeur actuel. Elle a une grande admiration pour ce directeur qu’elle trouve très vigoureux et très compétent, quelqu’un qui se soucie des gens et est plein de sollicitude leur égard. Il est particulièrement soucieux à son égard et prend soin d’elle, lorsqu’elle est tombée malade en particulier, il l’a beaucoup encouragée et soutenue sur le plan moral. Ce que justement elle aurait souhaité sans y réussir obtenir de son mari.

Le mariage entre Orchidée et son mari fut favorisé par l’entremise de très bons amis. Avant et après le mariage, ils se querellaient fréquemment. Quelques fois, après avoir eu une dispute, son mari partait et ne revenait que quelques jours plus tard, ce qui fait Orchidée ne pouvait le trouver. Son mari a un tempérament relativement violent, il est négligent et rustre sur le plan sentimental, il n’a ni finesse ni prévenance et ne lui parle pas avec attention. Comme Orchidée et son mari n’ont que très peu de points d’accord et n’ont pas les moyens de communiquer.

Quand j’ai écouté ainsi, je compris donc, en l’écoutant, que Lan n’était pas satisfaite de son mari et qu’elle éprouvait de la sympathie pour son directeur. Lors de la sixième séance, Lan raconta « Intérieurement, je fais toujours une comparaison entre mon mari et mon directeur. Ce qui manque à mon mari, mon directeur le possède. Ne suis-je pas attirée par mon directeur ? » En disant « Le directeur me plairait-il ? », sa vitesse d’élocution est très rapide comme si elle marmonnait. Ce mot « plaire » apparaissant pour la première fois depuis le début de l’analyse, je répète aussitôt ce mot « plaire au directeur ». Mais, Lan semble ne pas avoir entendu ce que j’ai dit. Elle dit « Qu’as-tu dit ? Je n’ai pas entendu. Je ne sais pas ce qui se passe avec mes oreilles ; elles résonnent si fort. Je prends des médicaments chinois tous les jours et cela ne va pas mieux. Je n’ai pas entendu ce que tu viens de dire. » Lan semble impatiente et agitée et elle me demande de parler plus fort durant la séance pour qu’elle puisse entendre mes paroles.

Je comprends que les bourdonnements d’oreilles de Lan, le fait ne pas entendre mes paroles sont la manifestation d’une surdité nerveuse ; ce qu’Orchidée n’a pas entendu est peut-être bien ce qu’elle a entendu justement. Ici, Orchidée a effectué une fuite et une négation inconscientes ; c’est peut-être ceci qui nous a révélé son désir caché d’amour pour son directeur.

Le « je n’entends pas » de Lan se reproduira par la suite au cours de l’analyse : une fois, alors que Orchidée parle de son insomnie, elle dit « Je dors à la maison, sur le canapé, je n’arrive pas à trouver le sommeil. » À l’écoute de ce mot « canapé », je suis légèrement surpris en me disant que si elle dort chez elle, pourquoi sur le canapé et je lui demande : « Tu dors sur le canapé de ta propre maison ? » Mais, elle semble ne pas avoir entendu ma question et continue de parler. Ici, elle refuse une fois de plus d’entendre ma supposition selon laquelle elle ne dormirait pas chez elle, mais sur le canapé de chez sa mère, car, chez sa mère, elle peut plus facilement communiquer avec son directeur par téléphone, par messagerie téléphonique et en bavardant avec lui via Internet. Je fais cette supposition, car elle dit souvent que lorsque se produisent ses symptômes, son mari est très effrayé et embarrassé et l’envoie chez sa mère ou chez son frère aîné. Après un an d’analyse, elle me dit qu’elle ne dort pas chez elle, mais chez sa mère.

Au cours d’une autre séance, en abordant à nouveau le problème de son insomnie, elle dit « Je n’arrive pas à trouver le sommeil, alors je téléphone à mon directeur. Je communique très facilement avec lui, nous parlons de tout, nous bavardons souvent via Internet ou par téléphone, ça dure très longtemps à chaque fois. Ses paroles me rendent extrêmement heureuse. » Quelles sont ces paroles qui rendent Lan si heureuse lorsqu’elle est tourmentée par tant de symptômes physiques ? Porté par ce doute je lui demande : « De quoi parlez-vous ? » Orchidée semble très agitée, puis recommence à se plaindre de ses oreilles et dit ne pas avoir entendu ce que j’ai dit.

L’analyse se déroule maintenant depuis longtemps, Orchidée refuse toujours d’affronter son désir à l’égard de son directeur. Malgré mes interventions incessantes, mais elle semble toujours fuir, de plus, je ne comprends pas encore très clairement les circonstances de cette soirée au cours de laquelle se déclarèrent pour la première fois ses symptômes. Je pense alors que cette soirée du voyage au cours de laquelle se produisit la coupure d’électricité correspond à la première apparition de sa maladie et la personne dont elle parle souvent maintenant est aussi son directeur, n’y aurait-il pas donc certaines relations entre cette coupure d’électricité nocturne et son directeur, et si oui, lesquelles ?

Traversé par ce doute je continue à l’écouter. Elle reparle à plusieurs reprises au cours de l’analyse de la scène de coupure d’électricité nocturne dont elle avait parlé une première fois, Chacun de ces récits lui est très pénible, elle est très émue et se met ensuite à sangloter. Bien qu’elle l’ait mentionné à plusieurs reprises, elle ne m’a pas encore relaté clairement et en détail les circonstances de cette soirée. Au septième mois de l’analyse, vers la fin d’une séance, elle reparla tout à coup de l’histoire de cette coupure d’électricité racontant ce qui se passa ensuite. Alors qu’elle avait très mal par tout le corps, la collègue logeant dans la même chambre était très embarrassée ; elle ne savait pas de quelle maladie souffrait Lan. Elle la mena à tâtons dans le noir chercher leur directeur, celui-là même dont parlait Orchidée. Après avoir traversé un chemin dans l’obscurité, elles trouvèrent la chambre où il logeait. Elle vit le directeur qui, imperturbable et très calme, alluma son briquet afin qu’Orchidée puise voir de la lumière, tout en disant aux gens autour qu’il ne se passait rien de grave pour les calmer. Il rassura Lan en disant « Cela n’est rien, ça ira mieux dans un moment. » Très vite, les douleurs physiques d’Orchidée diminuèrent. En me racontant cet épisode, elle était très émue et pleurait à chaudes larmes, elle tremblait de tout son corps.


Au travers de cet événement, il nous semble voir le désir refoulé et contenu de Lan : le noir après la coupure d’électricité - la peur éprouvée - le désir inconscient éveillé - l’impossibilité de parler - les symptômes corporels remplaçant la parole - le directeur retrouvé - la lumière apportée par le briquet du directeur et ses paroles de consolation qui apaisent ses craintes - la diminution de sa peur et de ses symptômes physiques.

Par d’autres symptômes dont Lan nous a parlé, nous pouvons lire également ce désir caché. Au cours de la quatrième séance, elle fut en retard de vingt minutes car elle ne retrouvait pas mon cabinet. Dès lors, elle avait une grande peur de se perdre, peur de sortir seule et de ne pas retrouver le chemin de la maison, peur de tomber malade en quittant la maison. D’ailleurs, si elle sortait de chez elle, les symptômes qui la tourmentaient, s’aggravaient. C’est pourquoi pendant un temps de l’analyse, elle ne voulait pas sortir, ni même dans les magasins et les supermarchés. Elle craignait également de repartir en voyage.

Au cours d’une séance ultérieure, elle me parla du lendemain du soir de la coupure d’électricité. Elle demanda alors à la collègue qui l’avait amenée à voir le directeur, où se trouvaient les toilettes ? Sa collègue en fut très étonnée car les toilettes se trouvaient justement sur le chemin emprunté la veille pour aller chez le directeur, elles y étaient passées ce soir-là. Mais Lan en écoutant sa collègue, n’avait aucun souvenir de ce chemin et de ces toilettes par lesquels elles étaient passées. La crainte de ne pas retrouver le chemin de sa maison, l’oubli du chemin menant au directeur, ce désir couvert sur un mode métaphorique nous amenait à ce sujet : l’impossibilité de l’accomplissement du désir de l’amour.


Au cours de l’analyse, j’ai conduit sans cesse Orchidée à parler de ce désir caché.


Lorsqu’elle parla de son passé et de sa famille, elle me dit que sa grand-mère maternelle, sa mère, sa tante maternelle, son frère aîné et sa cousine aînée maternelle, avaient tous eu ce même type de maladie qui avait duré très longtemps. Quant aux détails de leur maladie, elle ne le savait pas clairement, elle savait seulement que sa mère était tombée malade lorsqu’elle était âgée de cinq ou six mois et que cette maladie avait duré plusieurs années. Sa famille était une famille très pauvre, sans douceur et ses parents se querellaient souvent. Elle dit : « Selon mon impression, personne ne m’aimait, mes parents se querellaient toujours et ne m’ont jamais porté dans leurs bras, ni fait preuve d’aucune tendresse, ce n’était que blâme et sermon. Je passais une enfance malheureuse dans les bruits de querelles. » Elle pense qu’elle n’avait jamais été aimée de ses parents, de ses grands-parents maternels et de sa tante maternelle et qu’elle a grandi comme une petite herbe, un petit chien.

Au cours de l’analyse, elle se rappela la scène suivante : « Je me réveillais souvent en raison du bruit des querelles en plein milieu de la nuit. Une fois je m’étais réveillée, c’était une maison sans étage comportant seulement une chambre et demie, mon père donna une gifle sur la bouche de ma mère, je fus profondément impressionnée, leurs querelles se produisaient souvent le soir, dans la journée tout était calme, la journée, c’était des frissonnements, personne ne faisait attention à personne. Pendant deux à trois mois, mon père faisait à manger, mais ma mère ne mangeait pas. Ma mère faisait à manger et mon père ne mangeait pas. L’atmosphère était très sombre, je la trouvais étouffante. » Une telle enfance rendit Orchidée, de tout temps, très refoulée sur le plan sentimental ce qui fut à l’origine d’un grave complexe d’infériorité. De son passé et de sa famille, elle n’en parla que peu, mais dans ces moments où elle parlait de son passé et de sa famille, elle mentionna à plusieurs reprises la scène ci-dessus, et aussi, dans la nuit noire de cette misérable maison basse, la peur et la crainte après avoir été réveillée par les bruits de querelles et de bagarres entre ses parents.

Son récit de l’histoire de son enfance me fit penser à la première apparition de sa maladie lors d’une coupure d’électricité un soir en voyage. C’était le soir qu’elle bavardait souvent avec son directeur et c’est aussi en pleine nuit noire que ce traumatisme de l’enfance conservé dans sa mémoire se produisit. Quelle était la relation entre ces trois éléments ?


Dans les séances ultérieures, elle me parle de l’attention et des soins de son directeur à son égard : il lui caresse la tête comme on le fait à un enfant et lui dit souvent « Trésor, tu vas aller mieux, trésor, comment te sens-tu ? », réveillant ce besoin d’amour paternel que n’avait pas reçu Lan. L’apparition du directeur lui apporte l’amour paternel qui lui a manqué dans son enfance. Elle dit au cours de l’analyse : « Lorsque j’étais malade, mon directeur savait me dire "Trésor, tu vas guérir" et il me caressait souvent la tête tout comme on traite un enfant. Tout cela m’a transporté vers l’enfance, face au directeur je redeviens un enfant, je trouve auprès de lui l’attachement d’un amour paternel et un réconfort dont j’ai manqué durant mon enfance et j’en ressens une grande satisfaction. Toutes ces choses dont j’ai manqué et dont j’avais tant soif ! Auparavant, je projetais entièrement sur mon enfant tout ce que je n’avais pu obtenir. » Ses paroles m’enchantèrent, je pouvais enfin voir certains liens entre cette nuit durant laquelle s’était déclarée pour la première fois sa maladie, l’apparition de son directeur et l’histoire de son enfance. Nous en sommes là de l’analyse, les symptômes dont souffre Orchidée semblent diminuer.


Plus tard au cours de l’analyse, elle put petit à petit faire face à ses sentiments à l’égard de son directeur sans toucher pourtant les sentiments de son directeur à son égard. Au cours d’une séance, Lan raconta la chose suivante : « Mon directeur me plaît beaucoup, je le considère comme mon confident au teint rouge, mais, je ne sais pas ce qu’il pense. Une fois, je lui ai dis "Tu me considères comme un enfant ?" Il m’a regardé sérieusement en disant "Y en a-t-il qui traite un enfant mieux que moi ? Le mettre au cœur de la main et craindre qu’il casse, le tenir en bouche et craindre qu’il fonde !" Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire par ces mots. Et toi, comment penses-tu qu’il me voit ? » Je lui demandai aussitôt « Et toi, comment penses-tu qu’il te voit ? » Et là, Orchidée, une fois de plus, n’a pas entendu ma question. Lorsque son directeur exprime avec tact ses sentiments amoureux à son égard, elle se dérobe.

Nous avons discuté avec Orchidée sur ses relations avec son directeur et son mari. Elle m’a dit que s’il était possible de retourner dix ans en arrière, elle choisirait sûrement son directeur pour mari, mais, aujourd’hui il est impossible d’aller ensemble, elle et son directeur ne peuvent avancer sur la voie du divorce. L’on ne peut transgresser les idées mesquines, et puis, il y a l’enfant. Elle ne veut pas agir ainsi. Elle a vécu dans une famille où les parents ne s’entendaient pas, elle ne souhaite pas que sa fille retombe dans cette même ornière. Quant au rôle de maîtresse, cela est également impossible pour elle qui a grandi avec des idées chinoises traditionnelles. Il semble qu’Orchidée préfère maintenir une relation « amicale » avec son directeur, même si elle est de temps en temps victime de symptômes.


Alors que l’analyse se déroulait depuis une année, le directeur lui envoya un SMS pour dire « Que suis-je pour toi ? Je suis ton petit ami ». Orchidée en fut très troublée. Ce message rendait Lan consciente du fait que son directeur ne la traitait pas comme une simple amie, mais, qu’il l’aimait. Elle pensa alors que sa relation avec son directeur ne devait pas continuer à se développer ainsi, continuer dans cette direction, c’était aller au-delà de l’éthique conventionnelle, elle lui envoya donc un message à son directeur en lui mentant pour dire que leurs messages avaient été découverts par son mari, ceci pour empêcher d’aller plus en avant dans sa relation avec lui. C’est seulement à ce moment-là qu’elle me parla de certaines choses qui s’étaient produites entre elle et lui, de certains contenus de leurs conversations nocturnes par téléphone. Elle me dit que son directeur disait des paroles très séduisantes. Par exemple : « Je suis ton amant du réseau Internet, même si tu ne te souviens pas de moi, je t’aimerai encore, Sais-tu que je t’attends ? Il y a des amants qui deviennent finalement des époux », etc.. Ce genre de propos lui est très séduisant et l’amène à s’avancer toujours un peu plus. Elle me dit qu’auparavant elle s’en remettait toujours à la chance en pensant que ces conversations entre son directeur et elle n’étaient que les choses d’un monde imaginaire. Mais ce message lui fit prendre conscience de l’amour de son directeur pour elle. Elle pensa que cela ne devait pas continuer et craignant qu’un pas de plus ne l’empêche de se maîtriser et la conduise à faire des choses contrevenant à l’éthique et à la morale, et à commettre des actes regrettables envers sa famille et son mari. Cela la conduirait vers un sentiment de la culpabilité.


La rupture avec son directeur la fit grandement souffrir. Ce départ donna l’impression à Lan d’être comme un bébé sevré. Elle était souffrante et perdue ; les symptômes qui la faisaient extrêmement souffrir revinrent avec plus de gravité qu’avant. Pendant près d’un mois d’analyse, elle ne cessa de parler des souffrances qui accompagnaient ses symptômes, elle en était désespérée, tout comme elle l’était de l’analyse. À ce point de l’analyse, je me sentais également impuissante. C’est justement à ce moment qu’elle arrêta son analyse.

Quelques séances avant l’arrêt de son analyse, elle n’eut pas de comportement particulier par rapport à la normale. Mais le lendemain de la dernière séance, elle me téléphona tout à coup et me dit qu’elle souhaitait arrêter l’analyse pendant un mois pour se reposer un peu, qu’elle m’appellerait ensuite pour continuer l’analyse. Je n’eus pas le temps de répondre, elle avait déjà raccroché. Ensuite, elle ne revint plus.


Tout au long de l’analyse, j’ai essayé de faire voir à Orchidée son propre désir à l’égard de son directeur et de faire un lien entre ce point et l’histoire de son enfance. Mais, cela fut très difficile dans tout le processus de l’analyse. Orchidée semblait ne pas vouloir que je m’approche d’elle et ne semblait pas vouloir non plus parler davantage de la relation avec son directeur, ni des événements de l’histoire de son enfance les soirs dans cette maison d’une chambre et demie, ni de la situation concernant la maladie qu’avaient les membres de sa famille, ni de sa relation avec ses parents. Bien qu’elle ait exprimé sa volonté de guérir sa maladie à l’aide de l’analyse, pensant que sa maladie guérie sa vie irait mieux, à chaque fois qu’il y eut approfondissement, elle se laissait envelopper par des symptômes à caractère hystérique de bourdonnements d’oreilles, de surdité et par le récit des souffrances occasionnées par d’autres symptômes refusant ainsi cet approfondissement, de sorte qu’elle demeurait dans un état malheureux. Cela s’était répété sans cesse au cours de l’analyse, et, en tant que débutante, je n’en avais pas pris conscience, ce n’est qu’après en avoir discuté avec quelques psychanalystes que mes impressions s’éclaircirent. Je me sentais alors quelque peu impuissant, surtout au moment où elle était sur le point d’arrêter son analyse, malgré tous mes efforts, elle ne pensait qu’à sa maladie qui n’allait pas vers une amélioration certaine et en était très malheureuse, même si son état s’était amélioré depuis le début de l’analyse, ceci, d’après ses propres dires.

Comment comprendre alors ce refus de Orchidée à mon égard au cours de l’analyse ? Je fis un lien avec sa mère. Elle m’avait dit que sa mère eut cette maladie, alors qu’elle-même n’était âgée que de 4 à 5 mois. La maladie avait duré très longtemps et présenté les mêmes manifestations : de fréquentes insomnies le soir. Sa mère se querellait souvent avec son père, elle épanchait fréquemment sa bile sur les enfants et les réprimandait. On peut voir à quel point la mère de Orchidée connaissait alors un état dépressif relativement grave et était très agressive à l’égard de ses enfants. Si son transfert à l’égard de son directeur est un transfert de l’amour paternel, le transfert à mon égard serait-il un transfert de l’amour maternel ? Et dans l’affirmative, peut-on le comprendre de la façon suivante : le refus à mon égard peut-il être considéré comme un refus à l’égard de sa mère ? Sa mère ayant été une mère agressive et hostile à son égard, elle a donc refusé l’intrusion d’une mère agressive et hostile.

Mais, comme j’en sais très peu des événements qui produisirent le soir dans l ‘obscurité d’une maison sans étage d’une chambre et demie, il m’est difficile d’explorer plus à fond les relations de transfert envers moi et envers son directeur et les relations affectives entre elle et ses parents. Et quant au réel désir de Lan par cette nuit noire, nous ne pouvons pas non plus le savoir.

J’espère profiter de cette occasion pour pouvoir discuter ce cas avec les psychanalystes présents et recevoir critiques et conseils des spécialistes présents.

Je veux adresser enfin mes remerciements à Madame Pascale Hassoun, et à Messieurs Michel Guibal, Huo Datong et Zheng Yu pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans les discussions sur ce cas.


 

Désir dans la nuit noire

Zhang Haiyan


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