Mardi après-midi (Catherine Kolko)




Catherine Kolko propose deux thèmes pour la discussion :


le recours au dessin : dans quelle intention ? Chercher une signification ou favoriser la parole ? Le psychanalyste peut être encombré de ses propres associations, au détriment de celles de l’analysant;


à quoi, à qui sert le symptôme ? Se poser cette question sort le praticien de l’idéal médical : au lieu de chercher à réduire le symptôme, il s’appuiera sur lui pour constituer le cas en énigme.



Zheng Yu

Merci pour cette lecture critique. Je n’ai pas une formation de psychanalyste d’enfant. Au sujet du recours au dessin, j’ai pensé que G. s’exprimerait beaucoup mieux par le dessin que par la parole. Elle dessine pas mal, d’ailleurs. Quant au sens du symptôme, mon hypothèse était qu’il provenait d’un désir non satisfait envers un homme, son père en dernière analyse.



Wang Ni

J’ai pratiqué la psychanalyse dans un lycée avec des adolescents de 14 ans. Et j’ai eu 14 ans moi-même… J’ai supposé que les quatre arbres du dessin n° 10 représentaient les sentiments de G. pour son analyste.



Huo Datong

A ce moment-là, Zheng Yu n’est pas en position d’analyste ; c’est son thérapeute.



Laurits Lauritsen

Face à ces dessins, nous sommes devant une tradition extrêmement codifiée et tout ce qui est codifié est difficile à analyser.



Alexandre Berlinski

Je reçois un enfant de six ans, avec sa mère. Il faisait un dessin sans intérêt, arbres, maison, soleil… rien quoi ! pendant que sa mère me parle de sa petite sœur qu’elle a eue d’un père disparu depuis. Cette petite sœur a la peau très foncée, alors que mon petit patient a la peau très blanche. Il dessine alors un éclair. J’ai lu dans ce rajout sur son dessin : « il est né clair ». C’est-à-dire : « Pourquoi, moi, je suis né clair alors que ma sœur est d’un autre père ? »



Micheline Glicenstein

S’attaquer à l’hystérie en contexte hospitalier est très difficile. Quel est l’enjeu des symptômes de G. ? Dans son rapport à sa mère, me semble-t-il, qui veut la gratuité du traitement ou une pension. G. est prise dans cette demande. D’ailleurs leur relation est agressive : G. ne correspond pas au vœu de sa mère et se retrouve figée, entravée dans son aspiration à la liberté. Le père, lui, n’a pas droit à la parole. Je ne sais pas si le passage par le dessin était nécessaire, mais il laisse entrevoir cet entravement.



Zhang Yu

Vous liez son évanouissement à la mère. Moi, je me suis intéressé au père, parce qu’après m’avoir vu, elle s’est évanouie pour la première fois à l’hôpital. Son entravement, elle le signifie par la pagode Leifeng (une pagode est un mausolée). Je me demande qui est le moine Fahai.



Micheline Glicenstein

La mère n’autorise pas sa fille à avoir du désir pour un homme.



Huo Datong

Vous pensez que le moine Fahai, c’est la mère ?



Michel Guibal

Oui.



Cherki

La mère de la loi !



Yan Helai

G. s’est trompée en écrivant le caractère de l’hirondelle, il manque un trait, de sorte qu’apparaît la clé de l’herbe. Or l’herbe, les feuilles, les fleurs, on les retrouve partout. Quand elle écrit dans le dessin n° 4 « Bien, bien étudier », elle mélange un caractère ancien avec un caractère simplifié, ce qui ne se fait jamais. Le caractère ancien rappelle une paire d’aile. Pour s’envoler vers la liberté ? Enfin, le troisième oiseau du dessin n° 1 a un trait sur l’aile : il est blessé.



Catherine Kolko

Un dessin peut évoquer une tonne de choses. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’a dit ou fait G. à propos de ses dessins. C’est elle seule qui peut donner leur sens.



Philippe Préfaber

J’admire votre foi thérapeutique ! Elle me rappelle celle que j’avais quand j’étais jeune. C’est le patient qui conduit la cure. On vous l’envoie pour une intoxication alimentaire, pourquoi ne pas partir de ça ? Je crains que vos superviseurs ne vous aient infligé une intoxication de concepts analytiques…

Avant de parler de transfert, il faut que s’établisse une relation de confiance et cette relation passe, ici, par l’amour que vous portez à ce monde rural, à ces paysans pauvres, à la façon dont ils pensent qu’il faut soigner un empoisonnement. Le médecin chef de l’hôpital vous demande de faire une psychothérapie. Allez-vous faire la psychothérapie de votre supérieur ?



Zheng Yu

Vous dites que mes supérieurs m’ont empoisonné, ça me fait réfléchir. Je n’ai pas pensé aux deux demandes dont vous parlez : celle de la famille et celle de l’institution. J’ai du mal à évoquer cette question. Je pense à la révolution culturelle ; Mao avait demandé aux jeunes de se rapprocher des paysans. Mais j’étais beaucoup trop jeune à cette époque et je n’ai pas vraiment été marqué.



Qin Wei

Les matériaux que nous a présenté Zheng Yu, c’est lui qui les a demandés. G. n’a accepté qu’à la condition qu’il écrive, et c’est le texte de cette après-midi. Il y a là un rapport duel, imaginaire. Le vœu d’analyser un autre, peut-être doit-il être analysé. Peut-être faut-il différencier ce vœu du désir de l’analyste pour que se crée un espace analytique. Passer de la relation duelle à l’analyse, je pense que c’est possible par un glissement de parole.



Jean Florence

Freud propose d’analyser les rêves par la parole, mais il ne nous laisse pas une méthode d’analyse des dessins. Un rêve, dit Freud, est une écriture. Mais un dessin est une image et il y a, dans l'image, quelque chose qui résiste au dire. Dans quelle mesure la culture chinoise, le rapport à l’écriture pictographique et idéogrammatique de la langue, vous guide dans votre lecture de ces dessins ? Votre réponse m’intéresse parce que c’est une question irrésolue que de savoir comment aborder l’image en psychanalyse.



Zheng Yu

C’est une très bonne question. Le dessin, c’est une image ; le rêve est une image ; l’écriture chinoise est une image. Peut-être du fait de notre culture, apportons-nous une plus grande considération à l’image que vous.



Catherine Kolko

Vous notez, à la fin, que G. ne veut plus dessiner, mais qu’elle pense son dessin.



Zi Mong

Yan Huo a dit que Zheng Yu n’était pas analyste dans son travail. Il a fait le choix de passer par le dessin ; je l’admire pour ce choix. Pour moi, G. a un problème de caractère. Lacan a dit que l’enfant porte les symptômes de sa famille. Pour les paysans, l’argent, le manque d’argent est une question cruciale. Face à cela, G. n’est pas un sujet, et ses parents ne la traitent pas comme tel : elle seulement est en dette envers eux. Son opposition s’inscrit alors tout au long de son développement.

Je rêve de devenir psychanalyste, je pense que la place du psychanalyste est celle du manque. Merci.



Michel Guibal

Moi aussi je rêve de devenir psychanalyste, j’en rêve encore…

En écoutant Zheng Yu, je repensais au « Je t’aime » de la patiente dont nous a parlé Qin Wei. Dire « Je t’aime » est un acte, un événement de parole. Au début de la psychanalyse, il y avait une petite jeune fille, comme G., qui a rencontré un super-directeur, le directeur du Burghöltzli, à Zürich, Carl-Gustav Jung. Jung avait appris de Freud que l’hystérie se traite avec de l’amour. Sabrina Spielrein – c’est d’elle qu’il s’agit – a pu transformer son symptôme en parole en déclarant à Jung : « Je t’aime ». Jung a répondu : « Moi aussi » et il a passé à l’acte. Zheng Yu n’est pas super-directeur, mais lui au moins, il n’est pas passé à l’acte. Sabrina a rêvé d’être psychanalyste et il semble qu’elle le soit devenue, de façon très éphémère puisque les nazis ont interrompu son rêve.



Ma She Shei

Je pensais que je n’aurais pas la parole ! Il n’est pas certain que G. ait été intoxiquée. Elle a un caractère hystérique, égoïste. Mais l’important, c’est sa quête de liberté, d’harmonie, de beauté. Sa mère est acariâtre et son père ressemble à un clochard, ce n’est pas avec eux qu’elle va trouver ce qu’elle recherche, c’est dans la maladie. Et donc, elle s’évanouit chaque fois que cette réalité laide la rattrape.



Philippe Porret

Il est rare qu’un psychanalyste dise à nos collègues « Il ne faut pas faire ceci ou cela dans une cure », il est malheureusement moins rare qu’il dise « Il faut » Précisément parce que la talking cure ne suppose pas d’autres tiers que celui qu’implique le fait de parler et d’être écouté. Vous faites l’utile mais désagréable expérience que des tiers non seulement écoutent le travail que vous exposez mais estiment qu’il y aurait une, voire d’autres façons de procéder d’écouter et de vous situer. Votre travail a fait l’objet de commentaires qualifiés ou supposés tels. Mais un travail clinique n’est pas qu’une collection de faits, un ramassage de matériaux ; il est intimement lié à celui qui a retenu, privilégié, crée, suscité ce que les autres entendent par la suite dans son exposé. Se mettre à la place de ce tout premier auditeur-créateur est donc une illusion d’optique.

Pour garder un certain appétit de la psychanalyse mieux vaudrait ne pas toujours suivre les concepts des diététiciens.



Catherine Kolko

Quel est le statut de la représentation ? Donner une symbolique, une signification à un dessin ou s’en servir comme une ouverture sur la chaîne qui va permettre à la patiente de formuler en mots ce qu’elle ne peut que dessiner ? Deux orientations de la symbolique. La difficulté est de faire place aux associations du patient.

D. dans son choix du dessin, qu’elle était l’intention de ce choix seconde problématique : la question de l’économie et du symptôme. Il a été question de faire payer les parents : à qui ou pour qui le symptôme est là. Le symptôme « à quoi ça sert », cela donne une orientation différente de la position médicale. Quel est l’enjeu de ce symptôme ?



Zheng Yu

Je n’ai pas eu une formation pour faire la psychanalyse d’enfants. En faisant le choix de le faire dessiner c’était aussi parce que je pensais que pour elle l’expression orale n’était pas suffisante. Les dessins qui sont faits par cette enfant, sont pas mal dessinés.

Je pensais qu’au début elle exprimait un souhait, sans doute un souhait vis — vis d’un garçon, ou vis-à-vis de son père, et que ce souhait elle ne pouvait pas le satisfaire.



Première intervenante chinoise

Moi-même, j’ai pratiqué des analyses au lycée et moi-même je fus une jeune file de 14 ans. Ces quatre arbres ont été dessinés au moment où l’analyste s’en allait. Est-ce que cela ne va pas dans le même sens : le moment où il y avait un échange entre la jeune fille et le jeune garçon. Est-ce que les arbres ne représentent pas les sentiments de la jeune fille par rapport au psychanalyste? Peut-être que le premier arbre représente, le deuxième arbre a des fleurs. Le troisième arbre n’a pas de fleur, mais il est bien dessiné. Le quatrième arbre, il n'y a plus rien, il n'y a plus de feuille, ça représente peut-être les sentiments de la jeune fille vis-à-vis de l’analyste.

Nous sommes devant des contextes extrêmement codifiés.

Lapsus entre psychothérapeute et documentaliste.



Micheline Glicenstein

L’enjeu posé et le sens des symptômes. Le sens est difficile à aborder quant à l’enjeu il est apparu clairement dans la relation de cette jeune fille avec sa mère. Cette mère a tout de suite qu’elle souhaitait un traitement gratuit ou une pension et il est apparu que cette fille est prisonnière de cette demande maternelle. Agressivité entre mère et fille, la quelle ne parle pas comme la mère voudrait, la fille se retrouve figée dans une position de malade. Ou bien malade somatique ou bien folle. Cette fille aurait été capable de parler sans les dessins. On voit bien dans les dessins cet oiseau entravé.

Ce qui m’intéresse le plus est en relation avec le désir de sa mère. La mère ne donne pas à sa fille l’au [?]


Qui est le moine Faraï ? Dans l’histoire de la parole. La Loi maternelle. Beaucoup plus insidieuse que la mère.


Je voudrais donner mon point de vue sur la lecture de ces quelques dessins, il y a beaucoup de caractères qui apparaissent sur ce dessin. Une hirondelle, le caractère utilisé pour écrire « hirondelle » est mal écrit, il manque un trait dans la partie supérieure du dessin, cette partie supérieure veut dire herbe.

Cet arbre c’est après qu’il ai été scié qu’il y eu floraison.



 

Discussion

à propos de la communication de Zheng Yu


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