Je veux d’abord exprimer mes remerciements aux tous les membres du Centre de Psychanalyse de Chengdu, à Madame Pascale Hassoun et à Monsieur Michel Guibal et à Monsieur Frédéric Rousseau pour les conseils précieux qu’ils m’ont apporté au cours de la préparation de ce cas. Mes remerciements doivent s’adresser également à Monsieur Huo Datong qui a traduit ce texte en français, et à Madame Renée Ajzenberg qui a soigneusement révisé la traduction française de ce texte du point vue grammatical.
Résumé
Une analysante a rêvé d’un prêtre, d’un moine bouddhiste et d’un ver à soie, ce qui l’a réveillée à deux reprises au cours de son rêve. Nous souhaitons, à partir des associations de l’analysante à propos de ce rêve et des matériaux recueillis avant ce rêve essayer de mettre à nu le transfert dans la pratique analytique chinoise et de montrer la position éventuelle dans laquelle les Chinois ont mis l’analyste dans l’inconscient, en particulier de montrer qu’en chinois, comment la parole (le lapsus, par exemple) a brisé la relation analytique à l’imaginaire et au rival pour atteindre progressivement le point du départ du désir et comment le souhait du clan, de la mère, du père et de l’analyste se sont transmis à l’analysant et comment celle-ci, pour répondre à ces souhaits, tente de chercher une place impossible dans le réseau des signifiants tombant ainsi dans la jouissance selon le sens lacanien.
Il s’agit d’une jeune fille qui travaille dans une compagnie et qui est entrée en analyse à la suite d’un revers amoureux. Après un an et huit mois d’analyse, elle fait le rêve suivant :
« Elle a rêvé qu’elle est devant la porte d’une église, un prêtre apparaît, un homme grand et maigre, il porte une longue cravate, il marche vers elle, et tout à coup, sa cravate devient un gros ver à soie dont la tête s’avance droit vers elle. Elle se réveille en sursaut. Puis, elle se rendort et rêve d’un homme qui n’est pas semble-t-il le prêtre vu précédemment, elle remarque que cet homme est un moine bouddhiste pas très grand, mais gros, qui tient à la main un bâton, il semble que c’est une canne. Elle trouve ce moine quelque peu attirant, plus il marche vers elle, plus elle le trouve attirant, ressent même légèrement une réaction corporelle. Tout à coup, le moine pointe la canne vers le ciel. Elle s’en étonne et n’en comprend pas le sens. Au même moment la canne devient un ver à soie dont la tête est dirigée vers le haut. Bien que la tête du ver à soie ne lui fasse directement face, elle en a très peur et pousse un cri, puis se réveille. »
La rêveuse s’est réveillée deux fois dans son rêve, nous pouvons dire que son sommeil a été dérangé et que l’auteur de ce dérangement est le gros ver à soie, notamment sa tête. Pour la facilité du récit, nous commençons l’analyse de ce rêve à partir de sa peur à l’égard du ver à soie. Présentons d’abord quelques matériaux de toile de fond, puis les associations de la rêveuse à partir de son rêve, nous compléterons enfin les matériaux corrélatifs nécessaires.
Au cours des premiers trois mois de l’analyse, cette analysante parlait d’une voix si basse qu’il m’était difficile de l’entendre. Après une certaine période de rupture, elle reprit l’analyse et la cause en vint d’une de ses collègues qui nourrissait des vers à soie dans une boîte en papier. Lorsque ceux-ci grandirent, la collègue les apporta au bureau. Elle n’a vu en fait et par hasard les vers à soie que deux fois, mais, que ce soit la vision des vers à soie, ou l’odeur des feuilles du mûrier, rien que de penser d’entrer dans le bureau, tout cela soulève la répugnance, le dégoût et la peur, et donne même « la chair de poule ». Nous pouvons dire que son travail a été troublé. Elle raconte à voix très haute ses expériences et ses sentiments de toutes sortes à l’égard des vers à soie, et dans ce sens, on peut dire que c’est justement le gros ver à soie qui a offert une occasion où elle a pu parler à haute voix de son propre désir, bien que sur le monde de la métaphore.
Au cours d’une séance durant le troisième mois de la reprise de l’analyse, l’analysante a eu un lapsus, « ver à soie rigide rampant ». Je répète ce lapsus et après un instant de silence, elle dit qu’il s’agit en fait du pénis. Elle raconte alors une histoire de son enfance. À l’âge de quatre ou cinq ans, son père l’amenait nager. Une fois, son père la porta pour la mettre sur bord, elle remarqua quelque chose se dressant au milieu du slip de son père comme si un bâton se trouvait dedans. Au moment où son père la posa par terre, elle passe la main sur cette saillie, mais sa main ne l’a pas encore touchée et est repoussée par mégarde par son père. Bien qu’il y ait eu mégarde, elle se met à trembler et ne peut s’empêcher de tomber de sorte qu‘elle a très mal à son genou gauche. Depuis, elle a développé une peur à l’égard des vers à soie, surtout les vers à soie devenus « gros » et « long ». Auparavant, et à l’aide de sa mère, elle avait nourri une fois des vers à soie jusqu’à ce qu’ils se transforment en cocons.
Le pénis du père en érection est un acte manqué. La fille essaie de répondre au désir indiqué par cet acte manqué de son père, mais celui-ci s’est opposé à cette réponse. Cette histoire est d’une grande aide pour notre analyse du rêve, elle nous permet, par exemple, de mettre un lien entre le gros ver à soie et le pénis du père et entre le prêtre, le moine bouddhique et son père. Mais, « le jour a ses pensées, la nuit a ses rêves ». Serait-il alors possible de dire que dans la journée, l’analysante se souvient d’une histoire qui lui est arrivée lorsqu’elle était âgée de quatre ou cinq ans ? Peut-être. Néanmoins, il me semble qu’il ne lui est pas très difficile de raconter cette histoire. En d’autres termes, je crois que cette histoire est la métaphore d’une autre histoire, une histoire qui a probablement existé dans la réalité.
Dans la réalité, elle a eu successivement plusieurs petits amis qui peuvent se diviser en deux types, le premier est celui des responsables, qui supportent toutes les peines sans se plaindre et l’aiment toujours comme au premier jour. Le second type est celui des romantiques, mais qui la quittent rapidement pour une autre fille. Avec le premier type, elle sent comme un lien de parenté mais sans goût, si peu de goût qu’il lui est impossible de rester avec eux. Pour ceux du deuxième type, elle se trouve passionnée, heureuse et joyeuse comme si elle courait dans la montagne, mais, tout en jouissant des passions, un malheureux pressentiment qui émerge en elle. Au cours de ses contacts avec ses petits amis, elle a eu des expériences sexuelles, mais elle dit ne pas aimer le coït vaginal, celui-ci lui apporte que très peu de plaisir et lui fait craindre par contre d’être enceinte. Elle dit que du point de vue rationnel elle sait que le vagin est une partie des organes reproducteurs féminins, pourtant continue de penser que seuls les hommes possèdent des organes reproducteurs. Dans l’intimité avec son compagnon, elle préfère jouir gland du pénis (ou la tête de tortue en chinois) en érection. Je lui ai demandé une fois de quelle façon en jouissait-elle ? Elle répondit alors « Un caractère qui se présente à mon esprit : 品, pǐn ou objet, ordre ». Je comprends qu’elle a opté pour le mode de la relation sexuelle orale, (le caractère pǐn étant composé de trois bouches).
Les expériences ci-dessus nous permettent de comprendre davantage ses échecs amoureux, mais il nous est difficile d’établir un lien avec l’histoire de l’acte manqué de son père, ni avec l’angoisse soulevée par la situation de danger dans son rêve. Plus tard, elle me raconta un jour un autre rêve dans lequel elle voit une jeune assise au derrière d’une moto conduite par un homme dont elle ne perçoit ni l’âge ni l’allure et il semble que tous deux ont beaucoup bu. La fille ondule de tout son corps sans tenir compte de la vitesse du véhicule, à la fin, elle se tient debout et bande les yeux de l’homme, la moto a peut-être heurté de plein fouet un camion ou ne l’a-t-elle pas heurté, toujours est-il que tous les deux avec la moto tombent dans un précipice.
Je comprends alors qu’elle se trouve au cœur d’un jeu amoureux dangereux, lui dis « cette fille-là ne souhaite plus vivre ». Après un très long silence, elle dit qu’elle se rappelle un autre rêve fait deux mois auparavant. Dans ce rêve, elle voit son grand-oncle paternel qu’elle n’a jamais vu, mais dont son père a parlé plusieurs fois, il est relativement vieux et ressemble à sa grand-tante maternelle qu’elle a vue à plusieurs reprises. Dans le rêve, ce grand-oncle lui dit être déjà au courant de cette affaire, aussitôt elle ne sait plus où se mettre, l’oncle est très en colère et l’injurie en la traitant de « femme facile ou chaussure déchirée en chinois ». Elle insiste en disant que dans le rêve le mot « femme facile » est tellement vivant qu’il semble vraiment avoir été dit par quelqu’un à voix haute.
« Cette affaire » désigne peut-être une histoire amoureuse dans laquelle elle s’est profondément enlisée. Cette histoire affective l’a néanmoins mise dans une position de « femme facile ». La combinaison d’une forte séduction et d’une négation radicale constitue son plaisir sexuel et celui-ci trouble sa vie comme le gros ver à soie avait troublé son sommeil dans le rêve et le ver à soie avait troublé son travail au bureau. Mon hypothèse est que c’est justement ce trouble qui l’a conduite à l’analyse et à transférer la jouissance de la vie dans la relation analytique.
Et c’est justement peu après qu’elle fit le rêve du ver à soie. Je l’invitai à me dire à quoi ce rêve lui faisait penser. Elle dit pourtant qu’en fait ces deux hommes sont au fond la même personne. Le soir où elle a fait ce rêve, elle a reçu un coup de fil de son père, celui-ci lui dit qu’elle n’a pas besoin de s’inquiéter de sa santé, que tout va bien chez lui. Elle dit que son père a une très bonne santé, mais elle ne sait pas pourquoi elle s’inquiète de temps à autre qu’il tombe malade. Après un léger silence, elle dit que son père travaillait en extérieur et que lorsqu’elle était âgée de quatre ou cinq ans qu’il rentra à la maison à cause d’une blessure au pied. Après quoi, il fut transféré au siège de l’unité où était sa mère. Durant cette période, son père utilisa une canne pendant un certain temps. Mais elle ne s’en souvient pas très clairement. Je pense pouvoir intervenir et lui dis « Voyez-vous, j’ai aussi une paire de canne. » Après deux ou trois minutes de silence, elle dit lentement « Devant quelqu’un comme un père, il est très difficile, pour une femme, de parler de sentiments et de sexe. Mon père me parle toujours d’études et de travail. Je ne peux parler que d’études et de travail avec lui ». Alors qu’elle finit cette phrase, j’éprouve comme un soulagement me parcourir mais en même temps j'en suis un brin étonné, car, devant moi, elle a très souvent abordé des sujets ayant trait au sexe et aux sentiments, et par contre, très peu aux études et au travail. Elle continue de parler « Je t’ai toujours pris en fait pour mon père. » Auparavant, elle me vouvoyait toujours, là, elle m‘avait tutoyé. Apparemment, elle ne m’avait pas encore pris « en fait » pour son père. Elle continue : « Depuis un an, je n’ai pas parlé d’une de mes découvertes faites au cours d’une séance, je disais alors que je buvais de temps en temps, même beaucoup, tu n’avais pas clairement entendu et me demandais de répéter. Et tu n’arrivas à en entendre qu’après ma deuxième répétition. » Elle avait parlé très lentement, semblait même inattentive ; mais j’éprouvai un grand tremblement, j’avais vu un grand surmoi et me heurtai à un amour inconscient. À ce moment, j’eu l’impression d’être tout nu. Et c’est un peu tendu que je dis « C’est apparemment un lapsus, c’est probablement une fausse audition. » Elle s’arrêta puis après un silence dit « Je veux dire un mot. » Elle s’arrêta encore. Après un peu de silence encore, elle dit « Je t ‘aime. » Cela me prit un peu à l’improviste et je ne su comment réagir. Peu après, elle continue de parler pour dire qu’en réalité, ce n’est pas elle qui avait dit « Je t’aime. » Par contre, c’est elle qui m’avait entendu plusieurs fois au cours de l’analyse dire « Je t’aime. » Elle dit « Il me semble que c’est ma fausse audition. Néanmoins, au moment où j’ai fait cette erreur, je sentis que le monde s’écroule. Un instant plus tard je reprenais mes esprits. » Au moment où elle finissait cette phrase, j’eus l’impression qu’elle était soulagée et respirait plus doucement, puis, elle dit « dans mon cerveau se présente une image du bébé qui est dans les bras de la mère ». J’arrêtai ici la séance.
Son amour et ses pulsions de destruction s’étaient tournés ici vers l’analyste. Dans son rêve, Celui-ci était successivement représenté par deux images : un prêtre et un moine bouddhiste. Nous analyserons successivement ces deux images.
En chinois, shénfu 神父 ou shénfǔ 神甫 ou Père de l’esprit est une appellation des religieux catholiques et orthodoxes ; l’Église orthodoxe en Chine est limitée aux Russes du Nord-Est et au Xinjiang et ne possède que quelques milliers de croyants ; par contre L’Église catholique regroupe plusieurs millions de croyants qui se répartissent dans toute la Chine. Cette appellation chinoise est donc principalement liée au catholicisme. Les missionnaires, dont le représentant était Matteo Ricci, jésuite italien (1552-1610), fondateur des missions catholiques modernes en Chine, ont apporté les sciences et les arts de l’Occident en Chine. Par ailleurs, au lendemain de la Guerre de l’opium (1840), l’introduction du catholicisme fut aussi liée aux sanglants conflits nés des contrats illégaux et des flottes et canons introduits par les grandes puissances occidentales. Durant la révolution culturelle, toutes les activités religieuses, y compris catholiques, furent totalement interdites, on pensait qu’aux religions étaient rattachées des choses mauvaises. Le fù 父 de shénfu 神父 ou le fǔ 甫 de shénfǔ 神甫, ces deux caractères sont originairement des titres honorifiques pour nommer les hommes de vertu ou ceux d’une génération précédente, tandis que le caractère shén 神 ou esprit est un idéogramme qui se compose de deux caractères simples dont l’un est shì 示 figurant l’autel et l’autre shēn 申 figurant l’éclair au ciel qui symbolise le changement imprévisible et la puissance illimitée. Dans le Dictionnaire étymologique des caractères (composé vers 100 P.C.), on dit que shēn est ce qui introduit dix mille choses. L’image de Père de l’esprit implique donc la force du Créateur, mais d’un Créateur occidental. Il métaphorise également ces Occidentaux qui se sont élancés en Chine non seulement avec bateaux, canons et autres techniques, mais aussi avec un autre système de pensée et d’observation représenté par la science et un autre système de vie, menaçant gravement les coutumes et les valeurs traditionnelles chinoises. En fait, à l’époque moderne, la tradition chinoise a connu une rupture dont les souffrances léguées persistent jusqu’aujourd’hui.
Cette image du castrateur sévère peut ramener au surmoi représenté par son grand-oncle paternel dans son rêve, à la force avec laquelle son genou a gravement heurté le bord de la piscine dans sa vie quotidienne et à ce jeu amoureux dangereux du point de vue symptomatique.
Il se peut que l’image de l’analyste représentée par le père de l’esprit soit trop fortement rattachée au surmoi sévère, au sentiment de honte et au sentiment de culpabilité auxquels l’analysante ne peut pas se confronter, ainsi l’image du moine bouddhiste apparaît. Le moine bouddhiste se dit en chinois héshang, ce mot vient du sanskrit upadhyaya ou du pali upajjhaya et a le sens de professeur respecté, un terme qui pour les bouddhistes se réfère aux religieux de grande réputation. Dans l’ancien royaume Yutian de l’Asie centrale, passage important de l’introduction du bouddhisme en Chine, on appelait les moines bouddhistes « Khosha » d’où dérive en chinois héshang 和尚. Ce terme désigna peu à peu tous les bouddhistes qui étaient appelés également sēngrén 僧人 ou « personne de la pureté », puisqu’ils avaient abandonné les désirs et les idées « impurs » du monde et représentaient la négation des trivialités terrestres.
Dans l’histoire de la Chine, le bouddhisme comme le catholicisme et la psychanalyse, est issu de la culture indo-européenne. Néanmoins, c’est sur un mode pacifiste qu’il entra en Chine. La force du bouddhisme réside dans la « compréhension des grandes choses que sont la vie et la mort » sur lesquelles ses réflexions étaient plus fines que jamais dans l’histoire chinoise. Il en gagna une très grande extension. Les moines bouddhistes en tant que sujet de transmission du bouddhisme quittent leur famille et coupent toute relation parentale et sexuelle. C’est probablement en raison de l’interdit sexuel que ceux-ci connaissaient un désir sexuel plus exubérant les amenant à des actes sexuels comme l’adultère, par exemple. Dans le quarante-cinquième chapitre du roman Au bord de l’eau, on dit « Parmi tous les gens de ce monde, il n’y a pas plus érotique que les moines ».
La sexualité du moine a sa représentation dans son rêve. Mais, ce qui est plus important, c’est que le bouddhisme préconise l’abandon de la famille. Or, dans la tradition chinoise, on accorde une grande place à la famille, au clan et aux descendants. Le bouddhisme fut à plusieurs fois victime de mouvements d’éradication du bouddhisme, une des principales prises de ces mouvements était que les moines et les bonzesses se soustrayaient aux responsabilités familiales et nationales. Nous pouvons dire du point de vue spirituel que « l’abandon de la famille » permet aux gens de se soustraire aux responsabilités et aux tracas familiaux et claniques pour tenter d’atteindre une paix intérieure. En reliant le rêve de l'analysante à la psychanalyse, il est possible que la psychanalyse soit un moyen oral d’ « abandonner la famille » en parlant des responsabilités et tracas familiaux et claniques. Mais quels sont ces responsabilités et tracas familiaux et claniques de l’analysante ?
Elle est une enfant unique issue d’une famille traditionnelle, mais influencée par la pensée moderne, famille du Nord de la province du Jingsu. À sa naissance, sa grand-mère paternelle dit à sa mère de lui laisser cet enfant pour l’élever. Cette histoire lui a été racontée par sa mère lorsqu’elle était en deuxième année de lycée. Sa grand-mère souhaitait implicitement que sa mère donne naissance à un garçon, sa mère refusa alors fermement et son père fut, entre elles deux, très embarrassé. « C’est peut-être pour cette raison, le souhait que mon père m’a traité comme on traite un garçon, une des conséquences est que je ne porte jamais de robe fleurie. » dit-elle.
Un point important se trouve dans sa peur à l’égard du ver à soie. C’est que la peau blanche et pleine du ver à soie lui cause de l’aversion, bien qu’elle ne caresse pas vraiment la peau du ver à soie. À cet égard, elle l’associe d’abord au gras, puis au fait que sa mère est relativement grosse. Après sa naissance son père travaillait toujours en extérieur, il n’y avait qu’elle et sa mère à la maison. Sa mère la couchait dans le même lit et chaque soir, c’était en caressant le mamelon de sa mère qu’elle s ‘endormait. À l’âge de trois ans et demi, son père revint à la maison pour un congé ; tous les trois se divertissaient au salon et elle entendit son père demander à sa mère « C’était elle qui t’a caressée ? ». Devenu grande, elle s’en souvint en pensant que c’était une plaisanterie de la part de son père, considérant que sa fille ne comprendrait pas. Mais, « J’avais néanmoins vaguement compris et en éprouvais une perte de face, je n’osais pas regarder ma mère et me sentais fautive à son égard. Depuis cela, je n’ai plus jamais caressé ma mère ». dit-elle.
Nous pouvons peut-être prendre la mesure dernière son aversion de ses pulsions amoureuses à l’égard du corps de sa mère. Cette parole taquine du père faisant irruption dans la maison a castré ces pulsions et coupé son lien à sa mère.
Elle dit « Je suis désolée à l’égard de ma mère », cela signifie qu’elle pense que sa mère de par ses caresses a été victime d’une injustice ou d’une humiliation, ceci se rapportant au sexe et de plus, celui-ci est mauvais.
Après que cette parole taquine de son père lui fit abandonner son habitude de caresser les mamelons de sa mère, elle développa une autre habitude selon laquelle après s’être lavé les pieds pour aller au lit, elle se mordait le pouce du pied gauche et cette habitude perdura jusqu’aux dernières années de la communale. À l’âge huit, neuf ans, elle mit en place comme un rite obsessionnel : après s’être mordu le pouce du pied, elle mordait encore l’ongle de ses dents quelque fois au sang. À l’âge de onze, douze ans, elle commença à se masturber, en se caressant le clitoris avec les doigts. De son désir oral du gland ou de la tête de tortue, nous pouvons apercevoir une ligne continue du mamelon (ou tête du sein en Chinois) de sa mère à la tête de l’orteil, à la tête du doigt, au clitoris ou « queue de yin » en chinois, au gland (ou tête de tortue en Chinois) et à la tête nue. Et à l’aide de la cravate du prêtre et de la canne du moine bouddhiste elle a placé l’analyste sur cette ligne.
Discussion
À partir des deux images présentes dans son rêve, nous pouvons remonter aux trois souhaits qui se sont successivement produits dans sa vie : la préférence du clan pour les descendants masculins représentée par sa grand-mère, le désir de caresse du corps de sa mère et le désir de son père à l’égard des femmes. Pour répondre aux deux premiers souhaits, elle se met elle-même dans la position d’un homme, ne se met jamais de robe fleurie, par exemple. Mais, elle ne peut satisfaire son troisième souhait qui est de transmettre le nom de son clan. Pour répondre à ce troisième souhait, elle se met dans la position d’une femme ; mais cette dernière place n’est pourtant pas celle d’une femme au sens général, mais une place interdite par l’inhibition de l’inceste.