Je dois d’abord exprimer mes remerciements à Monsieur Michel Guibal non seulement pour tout ce qu’il a fait dans les préparations de ce premier Colloque clinique Sino-Européen, mais encore pour tout ce qu’il a apporté à l’initiation de la psychanalyse en Chine. C’est lui qui m’avait reçu dans son cabinet en automne 1987 en ouvrant pour la première fois une « autre scène » où, en tant que chinois, je pouvais parler librement des conflits psychiques, puis, certains chinois purent continuer à y parler des leurs. Les quatre cas présentés par mes élèves lors du colloque à Emeishan, soit à la Montagne des sourcils de la belle, sont bien dérivés de cette « autre scène » assurée par un strict dispositif psychanalytique dont la mise en place n’est qu’un événement très récent, depuis seulement 10 ans.

Après avoir fait une analyse d’un peu plus de 5 ans avec lui, j’étais rentré à Chengdu et avais commencé à pratiquer la psychanalyse en 1994. Je me souviens, c’était en 2000, à l’occasion où notre petit groupe psychanalytique d’une dizaine personnes voulait tenir un colloque pour le centenaire de « L’interprétation du rêve » de S.Freud, je lui avais écrit pour l’inviter à y participer. Il m’avait répondu en disant qu’il ne s’intéressait pas tellement à ce genre de colloque, mais par contre qu’il préférait travailler avec nous. Il vint donc pour la première fois à Chengdu et aussi en Chine pendant les vacances scolaires de l’été 2000. Il lut avec nous Au-delà du principe de réalité de J.Lacan, en nous disant que c’était par ce texte que J.Lacan avait commencé à fonder une psychanalyse française, maintenant, avait-il dit, je voudrais donc m’engager dans la lecture de cet article pour introduire la psychanalyse lacanienne en Chine. En fait, avant son arrivée à Chengdu, nous n’étudions que les œuvres de S.Freud, dont la première, je me souviens bien, sur laquelle j’amenais les élèves-analysants à étudier était à la traduction anglaise de la « Métapsychologie ». Je ne les avais pas amenés à la lecture de J.Lacan pour plusieurs raisons dont une des principales était que je n’étais pas moi-même prêt pour une telle lecture.


Après ce premier voyage à Chengdu, Monsieur M.Guibal avait présenté notre groupe à l’Inter-Associatif Européen de Psychanalyse (IAEP) et celui-ci prit immédiatement en compte notre candidature. Cela était très important pour nous, puisque non seulement ces Actes sont bien issus du colloque clinique organisé dans l’objectif de l’admission formelle de notre groupe à IAEP, mais encore cela signifiait que le Centre Psychanalytique de Chengdu, en tant que première institution psychanalytique en Chine, auparavant isolé de toute la communauté psychanalytique internationale, était définitivement sorti de son isolement.

D’autre part, M.Guibal avait grâce à ses efforts fait venir à Chengdu ses amis psychanalystes français, et nous avions pu, et ce jusqu’à maintenant, accueillir successivement Simone Lamberlin, Laurent Cornaz (deux fois), Pascale Hassoun, Frédéric Rousseau, Richard Abibon et M. et Mme Tricot pour suivre leurs séminaires d’une ou deux semaines. La plupart d’entre eux sont finalement devenus les membres étrangers de notre centre.


Entre-temps, M.Guibal, lui-même, était venu à Chengdu à plusieurs reprises pour le séminaire et plus particulièrement pour notre préparation de ce colloque, y compris une présentation des cas clinique décrits et un contrôle de l’analyse des membres de notre groupe.


Je suppose que nos lecteurs de ces Actes pourront bien repérer dans les quatre cas chinois les traces mixtes de nos propres études sur S.Freud d’une part et d’autre part de cette formation à l’analyse lacanienne et des séminaires lacaniens offerts par M.Guibal et d’autres psychanalystes français. Les modes d’écoute de la parole de l’analysant et d’organisation de l’intervention sont, si vous me permettez de le dire, plutôt lacaniens, tandis que l’interprétation des contenus prend plutôt pour base la pensée freudienne, plus exactement sa théorie de la première topique.

De nombreux participants européens trouvent que les cas chinois ressemblent aux cas viennois de l’époque de S.Freud. Cette impression se justifie sur deux registres dont le premier doit relever des circonstances chinoises actuelles, psychiques mais aussi bien sociales et familiales, qui sont en quelques sortes analogues avec les circonstances viennoises dans lesquelles se trouvaient S.Freud et ses patients. L’autre registre est relatif à la référence théorique de l’interprétation venue justement de ses pensées de la première période, notamment de sa théorie de la sexualité infantile et de son concept du Complexe d’Œdipe. Au fond, je voudrais dire par là que les quatre intervenants de notre groupe ne se sont pas référés à la théorie de la psychologie de l’ego, cette simplification de la deuxième topique de S.Freud, ni ou presque pas à la théorie lacanienne. Que si leur référence théorique avait été différente, leur interprétation des cas aurait été autre que la présente, soit plus simple et plus mécanique en se référant à la psychologie de l’ego et soit plus profonde et plus juste en se référant à la théorie de J.Lacan. Je ne veux pas ici, entrer dans le détail de ces quatre cas, je ne me borne qu’à signaler un fait théorique que J.Lacan a bien développé à propos de la première théorie freudienne de l’inconscient par le concept du nœud borroméen R.S.I., et de la deuxième théorie freudienne du ça – moi - surmoi par le schéma L du S – autre – moi – Autre. Si le réel est impossible, alors cette avance théorique lacanienne doit nous conduire nécessairement à écouter la parole de l’analysant selon deux registres au moins, du symbolique et de l’imaginaire, et à présenter également les cas selon ces deux registres. C’est-à-dire que la distinction au moins de ces deux registres nous permet de pratiquer, tant au niveau de l’écoute que dans la présentation du cas, une clinique doublement fine par rapport à la clinique non lacanienne qui stagne encore de façon chaotique sur les trois registres lacaniens, R.S.I.


Or, nos analystes-débutants chinois ne sont pas encore arrivés à prendre conscience de cette analyse s’appuyant sur le concept lacanien du nœud borroméen et sur le schéma L. C’est du moins de ce fait que nous pouvons comprendre pourquoi il se trouve une très nette différence de qualité entre les présentations des quatre cas chinois et celles des cas cliniques européens. Cette différence de qualité fut même remarquée par nos élèves-analysants encore plus jeunes qui n’avaient pu qu’assister au colloque.


L’un d’eux plaisanta au cours du colloque en me disant « On a finalement fait une rencontre entre les grands-parents européens et les petits enfants chinois ». Bien sûr, c’est grâce aux expériences et sympathies des grands-parents européens que les petits enfants chinois avaient beaucoup appris au cours de ce colloque. Je voudrais donc profiter de cette occasion offerte par mon ami Olivier Douville, pour exprimer mes remerciements non seulement à tous les intervenants européens, mais encore à tous les participants européens pour cet immense et généreux effort en ce moment critique de la germination du petit bourgeon psychanalytique chinois, et particulièrement à Madame Marie-Lise Lacas qui a spécialement écrit, à la suite du colloque, quatre commentaires respectifs sur les quatre cas chinois.

Mes remerciements doivent s’adresser enfin à mon amie, Madame Renée Ajzenberg pour son rôle de pivot dans l’interprétation du chinois en français au cours de ce colloque, car, sans elle, il aurait été impossible de communiquer si parfaitement entre participants européens et chinois. D’ailleurs, ce petit texte lui-même aura aussi été revu par elle.

Présentation du colloque

Huo Datong


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