"La Chine sur le divan" par Dorian Malovic
19.05.2008, 11:41 GMT
Et si la psychanalyse nous offrait une clé de compréhension de la société chinoise? Dorian Malovic, chef du secteur Asie du quotidien La Croix a rencontré Huo Datong, le premier psychanalyste chinois, qui a accepté à son tour de de s'allonger sur le divan et de se livrer. Il publie "La Chine sur le divan", une série d'entretiens avec le "lacan chinois" et nous ouvre ainsi les portes de l'inconscient chinois.
Ancien garde rouge, effondré en apprenant que la théorie marxiste en Chine n’avait été qu’une supercherie, Huo Datong, étudiant en histoire à l’université du Sichuan, traverse alors une véritable crise intérieure. “Tout ce en quoi j’avais cru s’effondrait brutalement” raconte t-il.
A ce premier choc, s’ajoute un nouveau traumatisme provoqué par l’ouverture lancé par Deng Xiaoping et le changement de cap idéologique.“Il fallait que je comprenne ce dont mon pays avait réellement besoin” explique Huo Datong.
C’est cette crise qui a finalement amené le jeune homme à la théorie freudienne puis à réaliser qu’il ne pourrait pas progresser dans ses réflexions en restant au Sichuan. Son ami Dai Sijie de retour de France lui parle de Lacan. Huo Datong est bouleversé et décide de “chercher Lacan en France”.
En 1986, il débarque à Paris et découvre la psychanalyse en suivant une analyse avec Michel Guibal, ancien élève de Lacan. Il découvre la nécessité de parler. “Ca m’a fait un bien énorme confie t-il à Dorian Malovic. [...]Le conflit intérieur qui me rongeait avait besoin de s’extérioriser".
Au terme de cinq années d’analyse, Huo Datong découvre alors qu’il fallait qu’il devienne un clinicien”. "J’ai laissé tomber mon rêve de découvrir une nouvelle théorie de l’histoire chinoise pour pratiquer. J’ai vécu là une rupture profonde dans ma vie, la rupture fondamentale et mon angoisse a disparu". Reste désormais à implanter cette nouvelle discipline en Chine. “Je ne savais même pas si j’avais le droit de faire” confie Huo Datong.
Sachant manoeuvrer habilement avec les autorités chinoises, il ouvre alors un premier cabinet à Chengdu en 1994 au sein du département de philosophie et sait rester neutre vis-à-vis de la politique. Mais pour développer sa discipline, Hu Datong a du et doit encore surmonter un certain nombre de barrières. La première est d’ordre culturel: en Chine, on ne critique jamais ses parents alors que la psychanalyse fait appel à l’enfance et à une remise en cause de l’éducation des parents. Mais il y a également des barrières historiques: les souvenirs de la révolution culturelle et des dénonciations sont encore très présentes et n’incitent pas les individus à parler en toute confiance. Enfin sur le plan politique, il n’existe pas encore en Chine d’espace privé bien défini et respecté par le politique. Pour toutes ces raisons, “les individus ont des difficultés considérables à se livrer complètement.
Pourtant malgré un contexte si particulier, “la psychanalyse a un grand destin en Chine” assure Huo Datong. “Nous avons besoin d’un espace de parole libre que la psychanalyse peut offrir.
La Chine sur le divan, entretien avec Huo Datong, de Dorian Malovic (Plon, 18,90)